Cardinal Vingt-Trois : « notre Église parisienne est appelée à la mission »

Dans son homélie pour la messe chrismale, le cardinal André Vingt-Trois est revenu sur la crise de l’Eglise et a rappelé sa mission première, l’évangélisation. Il est revenu sur les actions entreprises dans diocèse de Paris, comme les Assises pour la mission. « Depuis plus d’un demi-siècle, a-t-il dit, notre Église parisienne est appelée à la mission. Avec le cardinal Suhard, la prise de conscience de la déchristianisation galopante a été le nouveau point de départ d’un envoi en mission, des prêtres d’abord avec la Mission de Paris, puis des laïcs de plus en plus étroitement associés à cette mission. »

Frères et Sœurs,

Nous voici rassemblés, représentant tout le diocèse de Paris, pour célébrer ensemble une fois encore l’entrée dans le Triduum Pascal de la Passion et de la Résurrection du Seigneur et pour consacrer les Saintes Huiles par lesquelles la vie sacramentelle des catholiques va être associée intimement à la vie du Christ et à sa victoire sur les forces de la mort.

1. Ma vie a changé. Par l’onction sainte du baptême et de la confirmation ma vie a été changée, comme le seront celles des trois cent treize adultes et plus de cent collégiens qui seront baptisés à Paris au cours de ces fêtes pascales. Certes, nous continuons à mener la vie de tout un chacun, mais cette vie n’est plus seulement la vie transitoire que nous connaissons tous. Elle est la vie du Christ ressuscité par laquelle nous avons été engendrés à une nouvelle existence qui ne finira pas. De même, les prêtres et les évêques qui ont été marqués par l’onction du Saint Chrême connaissent une vie profondément transformée. Ils sont conformés au Christ-Pasteur et appelés à se donner, à se livrer, chaque jour pour son Église au service de l’humanité. Baptisés, confirmées, ordonnés, nous pouvons dire avec Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. Car ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. » (Gal 2, 20).

Cette nouvelle vie que nous avons reçue change notre manière de voir et de comprendre le monde et nos frères en humanité. Au cœur de chaque situation de cette existence, que nous partageons avec tous, l’amour que Dieu porte aux hommes se fraie un chemin à travers nos libertés par notre résolution et notre capacité à aimer ce monde et nos frères. Tout ce que la mort marque d’une façon irrémédiable, nous l’éprouvons aussi, mais nous y voyons une annonce de la Résurrection finale à laquelle nous sommes tous appelés. Là où l’écoulement des jours et des événements provoque chez beaucoup l’anxiété du lendemain ou la crainte de perdre le peu qu’ils ont, nous apprenons à reconnaître que notre véritable richesse n’est pas dans les biens de ce monde, mais dans l’amour qui nous soutient et qui nous anime. C’est la source unique de notre sérénité et de notre véritable joie tout au long de notre vie.

Cette vie nouvelle, nous n’en sommes ni la source ni les artisans, nous la recevons et nous la recevons dans la communion de l’Église par la force des sacrements. C’est pourquoi le ministère ordonné des évêques, des prêtres et des diacres tient une place unique dans la vie de notre Église et c’est pourquoi il est vital pour elle de pourvoir à ces ministères en appelant avec persévérance des hommes à en accepter la charge. L’année du prêtre que nous sommes en train de vivre dans le diocèse de Paris, avant que Benoît XVI n’en ait promulguée une pour le monde entier, permet à chaque communauté de notre grande ville de réfléchir à cette place du ministère ordonné. Elle doit permettre aussi à des jeunes plus nombreux, je l’espère, de répondre à l’appel pour devenir prêtres diocésains dans cette Église avec ses grandeurs et ses faiblesses.

2. Une Église tourmentée. Ces derniers mois, la vie de notre Église a été tourmentée, c’est le moins que l’on puisse dire Elle a été tourmentée par des événements, elle a été tourmentée par des échos sur les événements, elle a été tourmentée par les assauts lancés contre elle et spécialement contre notre Pape Benoît XVI. Beaucoup des membres de nos communautés ont été troublés par ces événements, ces échos et ces assauts et le demeurent parfois durablement. Il n’est pas si facile de garder la clarté et l’équilibre de son jugement devant des campagnes d’opinion et les vagues de médiatisation. Je suis d’autant plus reconnaissant à celles et à ceux, particulièrement aux prêtres, qui ne se sont pas laissé entraîner par ce tourbillon médiatique et qui ont cherché de véritables informations avant de s’emporter généreusement. Ils ont ainsi évité de faire chorus avec les professionnels de l’autoflagellation qui prétendent sauver l’Église en la déchirant. Et que dire des fins politiques qui crient avec les loups sans prendre la peine de vérifier ce sur quoi ils parlent, mais qui estiment opportun de se placer médiatiquement dans une supposée « pensée correcte ».

Avec les évêques de France, réunis en Assemblée Plénière à Lourdes la semaine dernière, j’ai exprimé des observations sur les dysfonctionnements qui se sont produits. J’avais eu l’opportunité de dire ces observations au Pape lui-même, en même temps que je lui renouvelais l’expression de notre attachement et de notre confiance. A moins d’un an de son magnifique voyage apostolique parmi nous, en cette cathédrale où il nous a parlé, je lui dis à nouveau la profonde communion des catholiques de Paris et je suis sûr que Mgr le Nonce qui nous fait l’amitié d’être avec nous ce soir transmettra fidèlement ce message. Peut-être cette crise nous permet-elle aussi de faire apparaître des enjeux habituellement moins visibles ? L’Église n’est pas un parti politique, elle n’est pas une Organisation Non Gouvernementale, elle n’est pas un supermarché qui distribue des primes à droite et à gauche. Elle n’est surtout pas la caution morale et religieuse des mœurs de notre société, qu’il s’agisse d’un système financier en déroute ou d’une mythologie pansexuelle sans aucune régulation de la raison. Peut-être faut-il comprendre que notre société qui se dit affranchie ne cherche pas toujours une approbation morale de ses comportements et qu’elle la cherche auprès de nous ? A nous d’entendre cet appel implicite, pour proposer avec patience et douceur le chemin de la vérité et de la liberté, plutôt que nous isoler ou de gommer notre identité chrétienne.

L’Église est un peuple choisi pour manifester l’amour et l’ambition de Dieu pour les hommes qu’il a créés. Il peut arriver que cette expression de l’amour de Dieu soit trop généreuse pour nos cœurs étroits. Il peut arriver que l’ambition de Dieu nous paraisse démesurée au regard de nos forces. Mais si nous nous taisions, « ce sont les pierres du chemin qui crieraient. » (Luc 19, 20) Cette Église en mission permanente, c’est l’Église dont nous vivons, c’est l’Église à laquelle nous sommes intégrés, c’est l’Église que nous devons faire vivre, c’est l’Eglise que nous aimons.

3. Une Église en mission. Depuis plus d’un demi-siècle notre Église parisienne est appelée à la mission. Avec le cardinal Suhard, la prise de conscience de la déchristianisation galopante a été le nouveau point de départ d’un envoi en mission, des prêtres d’abord avec la Mission de Paris, puis des laïcs de plus en plus étroitement associés à cette mission. Dans le dernier quart de siècle, le développement de la communication moderne a donné plus d’impact aux grands événements qui ont jalonné la vie de notre Église comme les JMJ de 1997, Paris-Toussaint 2004 ou, plus récemment la visite de Benoît XVI. Mais nous ne nourrissons aucune illusion. Les succès médiatisés ne seraient rien sans le travail en profondeur qui nourrit leur assise par l’implication du plus grand nombre. On ne vit pas la foi dans la virtualité médiatique. On ne témoigne pas de l’évangile par procuration.

C’est pourquoi tout au long des vingt-cinq dernières années le diocèse de Paris a été engagé dans un travail en profondeur, travail de formation des laïcs, travail de réflexion et d’initiatives apostoliques. La Marche de l’Évangile comme les sessions synodales ont été un investissement collectif qui a porté ses fruits. C’est dans la continuité de ce travail de fond que j’ai situé nos objectifs missionnaires en décembre 2005. Depuis lors, avec les visites pastorales, chaque paroisse s’est investie davantage dans le discernement sur ses objectifs et ses moyens.

Cette année 2008-2009, les Assises diocésaines pour la mission ont permis de faire le point sur ce dynamisme de l’Évangile dans la vie de notre Église. Les attentes et les disponibilités sont plus clairement apparues. En ce moment même, nous récoltons les résultats de cette réflexion commune pour proposer les objectifs des années à venir. Ce sera le programme de plusieurs réunions dans les mois qui viennent, notamment avec les curés et responsables de service, et d’une rencontre diocésaine des représentants des paroisses le samedi 26 septembre prochain.

Nous voyons bien que cette Église, dont nous constatons la vitalité semaine après semaine, a mieux à faire que de se morfondre dans les polémiques médiatiques. Consciente de ses fragilités et de ses faiblesses, elle porte la richesse de l’Évangile sans crainte et sans états d’âme pour la partager avec nos contemporains. Cette richesse ne peut resplendir à leurs yeux qui si nous leur donnons le signe irréfutable que Jésus lui-même nous a indiqué dans l’Évangile : le signe de la communion et de l’amour. « Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples. » (Jn 13, 35).

Frères et Sœurs, les évêques, les prêtres et les diacres vont maintenant renouveler les promesses de leur ordination. C’est pour moi l’occasion de leur exprimer mon attachement personnel : aux évêques auxiliaires dont la présence fraternelle est si précieuse, aux prêtres qui se dépensent sans compter et qui forment un corps de collaborateurs diversifiés et admirables, aux diacres dont le sens du service ne se dément jamais. A chacun et à tous, je veux redire mon affection profonde et ma gratitude pour le soutien que je trouve dans leur ministère et la joie qu’ils me donnent chaque jour. Bien sur, nous connaissons des difficultés, parce que nous sommes vivants, mais ces difficultés, j’en suis convaincu, nous les affrontons ensemble dans la communion de notre ministère et c’est notre force. En votre nom à tous je veux adresser un message particulièrement fraternel à nos frères anciens et malades et à ceux que la mission entraîne hors du diocèse, prêtres Fidei Donum, prêtres de la Fraternité Missionnaire des Prêtres pour la Ville. Tous nous vous portons dans nos cœurs et notre prière.

Et à vous tous, consacrés et fidèles de notre Église de Paris, à ceux qui sont ici ce soir si nombreux et à tous ceux qui s’associent à notre prière par la radio et la télévision, je souhaite de très saintes fêtes de Pâques et la joie de la Résurrection. Aujourd’hui encore le Christ annonce au milieu de nous une année de grâce de la part de Dieu et la prophétie d’Isaïe s’accomplit devant nous, pour nous et par nous pour le monde. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois

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