Don Antoine Galand a été ordonné prêtre le 24 juin 1999. Depuis, il n’a cessé de faire du porte-à-porte. Après un an de pratique non-stop au Brésil avec la communauté Shalom – une expérience qui lui a permis de peaufiner sa méthode – Don Antoine Galand fonde, de retour en France, sa propre école d’évangélisation par le porte-à-porte. Nous l’avons accompagné sur les hauteurs de Toulon. Interview.
Anuncioblog : Comment êtes-vous venu à l’évangélisation par le porte-à-porte ?
Don Antoine Galand : De manière toute simple : une fois ordonné prêtre, j’ai ressenti l’appel d’aller au contact des gens, comme une nécessité – comme le dit Saint Paul – qui me poussait à franchir les portes des maisons dans les villages dont j’étais responsable. Je me souviens d’avoir pris l’annuaire téléphonique et d’avoir vu tous les noms que le Seigneur me demandait de visiter. Cela a commencé comme cela. Au fil du temps, le Seigneur a fait grandir en moi ce désir, au point de m’y consacrer totalement, en revivant ce verset de l’Evangile : « Allez, prêchez, et dites : Le royaume des cieux est proche. Guérissez les malades , ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10 7-8). A travers ce verset, ma joie comme prêtre est d’apporter la Bonne Nouvelle de maison en maison, d’immeuble en immeuble, d’appartement en appartement…
J’ai débuté tout seul, pendant deux ans, dans un milieu rural du Loir-et-Cher, visitant chaque semaine un certain nombre de personnes, avec la grâce de voir ces personnes parfois retrouver la foi. J’ai continué ensuite pendant quatre ans à Toulon, mais cette fois avec des paroissiens, dans le cadre d’une paroisse du centre-ville. Chaque semaine je partais avec eux, immeuble par immeuble, étage par étage. Nous avons eu la grâce de voir des cœurs qui pouvaient être touchés. Puis j’ai développé une organisation plus importante en lançant une dynamique d’évangélisation avec la mise en place de groupes de quartier.
Quelle a été votre expérience au Brésil ?
Pour ma 7ème année comme prêtre, j’ai pu réaliser un rêve. A Fortaleza, j’ai pratiqué le porte-à-porte non plus une journée par semaine mais sept jours sur sept, de quatre à six heures par jour, avec une équipe d’une vingtaine de personnes qui appartenaient à la communauté Shalom. Dans cette communauté, nous avions une vie de prière, une vie fraternelle et une formation à l’évangélisation. Cette forme de porte-à-porte que j’ai vécue au Brésil et que je vis maintenant ici de nouveau dans le diocèse de Fréjus-Toulon est celle qui me plaît, qui me correspond. Je pense que c’est vraiment un appel du Seigneur.
Comment vous y prenez-vous ?
Le porte-à-porte est un apostolat qui s’inscrit dans une dynamique missionnaire au sein même des paroisses. Il ne s’agit pas faire du porte-à-porte pour en faire, mais de permettre la constitution de silos pour réceptionner les gens, et peu à peu les conduire à la paroisse, qui est le lieu par excellence de la vie chrétienne comme l’eucharistie est source et sommet la vie de chrétienne. Le porte-à-porte permet une proximité en établissant chaque jour un nombre grandissant de contacts de mile manières différentes. La visite elle-même se veut être faite au nom du Seigneur et du curé de la paroisse. Cette première visite est kérygmatique puisque c’est le salut qui est annoncé à toute maison, aujourd’hui même. Pendant cette visite, notre démarche est de conduire la personne à reconnaître aujourd’hui Son Seigneur et son Dieu. Pour résumer, il y a sept étapes :
1. Se présenter : nous commençons par décliner notre identité, qui nous sommes, d’où nous venons, de quelle paroisse, quel curé nous envoie.
2. La phase de l’anguille : nous essayons de trouver une petite accroche avec les personnes que nous rencontrons, afin d’entamer une conversation.
3. Rentrer chez la personne, si c’est possible, en lui demandant poliment.
4. L’écoute : écouter gratuitement la personne en essayant d’écouter aussi ce que l’Esprit Saint peut avoir à nous dire pour elle, l’évangélisation passant par la connaissance de l’autre.
5. Le témoignage. Nous évitons tout terrain polémique ou toute discussion trop intellectuelle, pour témoigner dans un cœur à cœur, en montrant de quelle manière nous avons rencontré le Christ et ce qu’il a changé dans nos vies, afin de permettre à celui qui nous écoute de rencontrer aujourd’hui son Seigneur et son Dieu.
6. La prière : nous invitons la personne à prier pour ses intentions et pour qu’elle puisse accueillir Jésus aujourd’hui même.
7. Le kit du porte-à-porte : nous laissons une image, un numéro de téléphone, une médaille, un élément qui rappelle notre passage et nous essayons de prendre un rendez-vous pour aider cette personne, si elle le désire, à cheminer vers son Seigneur et vers Son Eglise.
Quand intervient la rencontre avec le Christ ?
La rencontre avec le Christ peut se produire au fil de ces sept étapes ou le plus souvent, plus tard. Par l’écoute, nous rentrons vraiment dans l’intimité de la personne : on voit finalement quelles sont ses attentes pour recevoir son salut (le pardon, la guérison…). Par le témoignage, qui est l’annonce explicite de cette adhésion à Jésus et qui passe par le « oui » de la personne dans la prière que nous lui proposons. C’est vraiment une rencontre personnelle avec Jésus. Au cours de cette prière, nous sommes parfois témoins de larmes, de paix, de motions où le Seigneur peut révéler Sa grâce, ce qui peut expliciter l’intervention de Dieu dans la vie de cette personne. Nous prions pour ces personnes, et souvent, elles-mêmes nous disent après le bienfait, la grâce qu’elles ont pu plus ou moins percevoir.
Trouvez-vous des portes fermées ?
Nous trouvons tous les cas de figure, mais en général, il paraît qu’on touche une personne sur quatre ! Ce qui aide, c’est la régularité et la persévérance. Si une première fois nous ne sommes pas entrés, en devenant familier d’un lieu, d’un quartier, parce que cette familiarité s’établit, ce sera possible d’être reçu à la deuxième ou troisième tentative. Avec le porte-à-porte, on peut revenir régulièrement, pour des « revisites », c’est sans fin ! Jusqu’au jour où, parmi les personnes que nous visitons, certaines deviennent des futurs relais.
Est-ce facile ?
Non, le porte-à-porte n’est pas facile : comme toute évangélisation, c’est un acte de labeur. Jésus a évangélisé la plus belle partie de sa vie à la sueur de son front, malgré les humiliations, jusqu’à son sang versé. C’est vraiment un combat, ce n’est pas une méthode magique. Comme toute évangélisation, cela passe par l’effort, le travail, le courage, la persévérance, la patience. Mais avec toute la joie que procure l’évangélisation, où les premiers bénéficiaires sont d’abord nous-mêmes, la joie de voir que les cœurs sont touchés et que les personnes reviennent au Christ. C’est une grande récompense pour soi et pour les personnes qui cheminent.
En quoi le porte-à-porte diffère des autres méthodes d’évangélisation ?
La première grande grâce que je vois dans le porte-à-porte, c’est sa simplicité et son humanité. C’est déjà revisiter toutes nos relations, notre voisinage, se rappeler que chacun d’entre nous est un être social et qu’il est de nature, en temps qu’homme, de visiter son voisin, de visiter ceux qui sont nos frères. Cela part d’un acte naturel que nous avons un peu perdu, par la peur ou les clichés. La deuxième grâce est la possibilité de revenir – une maison ne se déplace pas ! – de cheminer avec les personnes, de les accompagner : c’est le moyen par excellence pour rechristianiser un lieu, un territoire. On peut imaginer, par la suite, la mise en place d’un groupe de quartier, qui sera une présence chrétienne et qui pourra, par ce biais-là, non plus individuellement mais communautairement, re-évangéliser tout un secteur.
N’est-ce pas gênant de parler de rechristianiser un lieu ?
Non, ce n’est pas gênant : on parle bien de déchristianisation, pourquoi ne pas parler de rechristianiser ?
Que change le fait d’être reçu chez les gens ?
Entrer chez la personne n’est pas un acte anodin, on entre dans l’intimité de la personne et quelque part c’est déjà une ouverture de son cœur, une confiance qu’elle a envers nous, envers l’Eglise, envers le Christ, c’est quelque chose de très fort. On voit dans l’Evangile la centralité de la maison : le Christ a évangélisé les maisons, où il a pardonné, où il a guéri. Comme au chapitre de 19 de Saint Luc, avec l’épisode de Zachée, lorsque Jésus dit : « Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison ».
Est-ce différent au Brésil ?
Idem.
Auriez-vous des témoignages de conversion ?
Oui. Dans le porte-à-porte, comme dans toute évangélisation, ce qui est important c’est la patience : c’est un travail de fourni, de patience : encore une fois, l’évangélisation ce n’est pas magique. Ce n’est qu’après un grand nombre de rencontres, de visites, qu’on peut commencer à voir des personnes cheminer vers le Christ. C’est toujours mystérieux, c’est toujours la question de la liberté humaine et de sa réponse, le mystère de la liberté de l’autre. J’ai l’exemple de personnes qui ont pu être guéries, qui sont revenues à l’Eglise, qui se sont confessées… tous les types de retours au Christ sont possibles !
Que constatez-vous au bout de six ans de cet apostolat ?
L’évangélisation est une urgence, une nécessité pour notre temps. Le porte-à-porte est bon moyen d’aller à la rencontre de l’autre. Par cette démarche missionnaire, c’est Jésus en personne qui vient frapper aux portes ! « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui et lui avec moi. » (Ap. 3, 20). Mais le chrétien, s’il est vraiment charitable, n’a pas besoin de faire du porte-à-porte : il évangélise son voisin, son milieu, sa famille, de manière toute naturelle. C’est urgent aussi parce que si nous le faisons pas, d’autres le feront à notre place.
Parlez-nous de votre école de porte-à-porte ?
Nous l’avons ouverte l’an dernier dans l’optique de former des chrétiens au porte-à-porte. Il y a quatre piliers fondamentaux : la prière, la vie fraternelle, la formation à l’évangélisation, et l’évangélisation de terrain, par le biais aussi de missions itinérantes à droite à gauche dans différents diocèses de France. Cela pour développer cet art de l’évangélisation et, en quelque sorte, concurrencer aussi les sectes, à la différence qu’elles ne laissent pas libres les personnes et qu’elles n’apportent pas la plénitude de la Révélation que l’Eglise apporte aux hommes.
Que diriez-vous à quelqu’un qui a envie d’évangéliser ?
« Viens et suis-moi ». Je crois qu’il y a parfois trop de forums, de livres ou de discussions sur l’évangélisation, alors que, comme disait Saint François-Xavier, le monde meurt : ne restez pas dans vos tours d’ivoire, mais venez, venez évangéliser !
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Pour avoir plus d’informations sur l’école d’évangélisation par le porte-à-porte de Fréjus-Toulon (formations possibles pendant l’année) : Centre Missionnaire Sainte Thérèse
Contact : saintetherese@centremissionnairecatholique.com
(c) Anuncioblog 2007
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intéressant
on aimerait ne savoir davantage sur ce genre d’expérience
vous pourriez en faire un livre
Pardonnez-moi, mais n’y a-t-il pas dans les Evangiles un passage où le Christ, envoyant ses disciples en mission, leur interdit précidément d’aller "de maison en maison" ?
pouvez-vous nous citer ce passage ?
je pratique ce genre d évangélisation pourriez me répondre pour que nous puissions échanger sur ce sujet
@oxbridge:
Quand Jésus interdit le passage "de maison en maison", je crois qu’il désigne explicitement le fait de passer furtivement, de ne pas établir le contact avec la personne. En effet, l’un des aspects du porte à porte que pratique Don Antoine, c’est aussi de revenir voir les personnes qui le veulent bien. Dans l’évangile, Jésus dit de "rester" là où on est accueilli.
Le porte-à-porte est pareil. Il faut rester là où on est accueilli.
Cela n’a rien à voir avec le fait de "se rendre" chez les gens, que le Christ lui-même a fait et qui, si cela se fait dans le souci de la personne qui accueille, portera du fruit.
le passage en question est Lc 10, 7b : « Ne passez pas de maison en maison. »
et le sens de ce verset est donné par le contexte :
« 3 Allez! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu de loups.
4 N’emportez pas de bourse, pas de besace, pas de sandales, et ne saluez personne en chemin.
5 En quelque maison que vous entriez, dites d’abord: « Paix à cette maison! »
6 Et s’il y a là un fils de paix, votre paix ira reposer sur lui; sinon, elle vous reviendra.
7 Demeurez dans cette maison-là, mangeant et buvant ce qu’il y aura chez eux; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
8 Et en toute ville où vous entrez et où l’on vous accueille, mangez ce qu’on vous sert;
9 guérissez ses malades et dites aux gens: « Le Royaume de Dieu est tout proche de vous. »
10 Mais en quelque ville que vous entriez, si l’on ne vous accueille pas, sortez sur ses places et dites:
11 « Même la poussière de votre ville qui s’est collée à nos pieds, nous l’essuyons pour vous la laisser. Pourtant, sachez-le, le Royaume de Dieu est tout proche. » »
spidle33 le résume très bien dans son commentaire : Jésus met en garde contre le fait de passer furtivement.
Jésus met en garde contre une certaine mondanité, tout comme en Lc 10,4 lorsqu’il dit : « ne saluez personne en chemin » en Lc 10, 4
Il s’agit de ne pas perdre l’objectif des rencontres et des visites : l’annonce du Royaume.
Si Jésus précise cela ce n’est pas pour interdire de frapper aux portes (verset 8) ou pour interdire d’évangéliser les passant (verset 4); mais pour rappeler que l’on doit le faire livré à la providence (prêt à demeurer dans la maison du fils de paix) et pour le Royaume et non pas par mondanité (passer prendre le café chez tous le monde pour se montrer).
Bref, il est clair que si Jésus fait ces deux mises en garde, c’est que justement ça faisait parti sa méthode que d’envoyer les disciples dans les rues et dans les maisons.