Scott Borgman : « L’Eglise a besoin de prêtres saints »

Scott Borgman, ancien protestant évangélique, est un séminariste du diocèse de Toulon qui étudie actuellement à l’Universite de la Sainte Croix à Rome. Un témoignage proposé par l’association Des prêtres pour toutes les nations, créée par des catholiques désireux de contribuer au renouveau durable des vocations sacerdotales et à leur formation.

– Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Mon nom est Scott Borgman. Bien que né aux Etats-Unis, mes premiers souvenirs viennent du mystérieux continent africain. Mes parents, ayant choisi de consacrer leur vie comme missionnaires protestants, étaient profondément chrétien et prêts à tout donner pour porter la Bonne-Nouvelle de la Vérité de Jésus-Christ aux extrémités de la terre. J’avais seulement quatre ans quand, avec mon frère plus âgé et ma sœur jumelle, mes parents ont quitté les Etats-Unis pour la Côte d’Ivoire, sur la côte occidentale de l’Afrique. Nous fûmes immédiatement marqués par les différences entre ces deux pays et je me rappelle le choc de culture d’être la seule famille blanche vivant dans le voisinage. Les petits enfants africains sautillaient à notre vue et chantaient des chansons « de personnes blanches », tout en courant, riant et jouant. La population nous a accueillis très chaleureusement et nous a fait nous sentir chez nous. Avec les traditions chatoyantes et les longues heures passées ensemble, l’Afrique a transformé nos vies bien plus que je ne veux le réaliser, et probablement plus que je ne puis l’indiquer. Ayant juste assez d’argent pour le nécessaire, nous nous divertissions en construisant nos propres jouets, des cabanes dans les arbres ou en inventant des jeux pour les enfants pauvres d’Abidjan où nous habitions. C’est ainsi que mes parents nous ont élevés, dans un amour profond pour Jésus et une excellente connaissance des Ecritures saintes. Ils nous ont encouragés à apprendre par cœur et dans l’ordre les noms des livres de la Bible, et certains versets avec leur référence. Je me rappelle qu’ils nous promettaient de la glace pour nous motiver ! C’était une bonne méthode grâce à laquelle je suis tombé amoureux des Ecritures Saintes, y lisant l’invitation amoureuse de Dieu à s’unir à lui. Ce sont toujours aujourd’hui ces mêmes versets qui me reviennent à l’esprit quand Dieu parle à mon coeur. Mes parents nous ont continuellement enseigné que Dieu aimait chacun de nous et qu’il avait une vue spécifique pour nos vies.

En dépit des difficultés à nous adapter à une culture étrangère, nous avons apprécié la vie en Afrique, apprenant nombre de vérités sur la vie par des histoires imagées. Par exemple, une de ces histoires portait sur le fait de reconnaître la place et la contribution de nos proches dans notre vie. Monsieur Eléphant, dans cette fable, promenait sur son dos Monsieur Cancrelat dans un sentier de forêt lorsqu’ils se retrouvent devant un ravin profond que franchissait un petit pont de bois et de vignes. Avec hésitation, les deux compères avancèrent, l’éléphant plaçant soigneusement ses énormes pieds sur ce qui ressemblait aux parties les plus prometteuses du bois et de la vigne. Le pont s’affaissa fortement sous leur poids, gémissant et pulvérisant, grinçant et pleurant d’être soulagé. A peine de l’autre côté, et laissant le pont fatigué, Monsieur Cancrelat se pencha et cria dans les énormes oreilles de Monsieur Eléphant, d’une une voix à peine audible : « Nous avons manqué de peu de casser le pont, n’est-ce pas ? »

La morale de l’histoire est que nos succès dans la vie ne sont souvent pas dus à nos propres efforts, mais à ceux qui nous aidés à endurer les difficultés. Je pourrais très bien appliquer ceci à mes parents dont les exemples d’amour et de fidélité nous ont enseignés à aimer indépendamment des circonstances et même dans les petits détails de la vie quotidienne. La Bible donne cette même sagesse concernant ces responsabilités familiales : « Instruis le jeune selon ses dispositions, devenu vieux, il ne s’en détournera pas. » (proverbes 22 ,6) Naturellement, si vous permettrez l’analogie, ce grand « éléphant » qui me portait vers ses buts était Dieu lui-même, à qui chacun de nous peut rendre grâce comme le psalmiste 139, 13 : « C’est toi qui m’as formé les reins, qui m’as tissé au ventre de ma mère. »

À dix-sept ans, fasciné par la puissance des films à donner une signification à la vie, j’ai déménagé près d’Hollywood, en Californie. Je pensais pouvoir utiliser la pellicule pour changer positivement le monde. Je me suis intégré au monde du cinéma et ai été rapidement rattrapé par le travail, les négociations, l’argent. Fasciné par les acteurs célèbres, j’étais fier en voyant à la télévision les films publicitaires ou les clips vidéo auxquels j’avais participés. Il y a une organisation intéressante dans la production de film, lorsqu’une équipe de cent personnes travaille ensemble, comme une ruche d’abeilles bourdonnant d’activités. Puis, au moment de l’enregistrement, toutes ces activités cessent et l’espérance silencieuse de chacun remplit le plateau. Moments magiques lorsque nous entendons le clic-clac de la pellicule tournant dans la caméra, et que le directeur clame « action ! ». Chacun à son travail, dans un endroit différent à chaque fois… Notre travail nous a souvent portés vers les plus belles régions du monde.

– C’est au sein de cette industrie que naquit et a mûri votre vocation…

La célèbre phrase de saint Augustin promet que le cœur erre et ne trouve le repos s’il ne se repose en Dieu. Ma propre vocation a mûri en apprenant à entendre dans mon cœur la voix de Dieu et à répondre à son invitation dans les circonstances les plus ordinaires de ma vie. Cette attitude permet le repos dans nos âmes, voilà pourquoi la prière est si importante dans la formation des prêtres, mais également dans la formation de chaque âme. Peut-être avez-vous déjà vécu ce moment lorsque votre coeur répond à ces appels de Dieu.

Ensuite après avoir travaillé quelques années dans l’industrie du film, j’ai commencé à réaliser que la route que je suivais ne menait pas vers l’accomplissement d’une vie pleine de sens. Quelque chose était absent. Je gagnais de l’argent et commençais à être plus sélectif sur les offres d’emploi proposées, mais, en regardant ma vie, quelque chose manquait, comme un appel à une vie plus en profondeur. Dans cette vie bien remplie, je ne m’en rendais pas toujours compte, mais quand je m’arrêtais de courir, j’écoutais mon cœur et pouvais encore entendre le chuchotement de l’invitation de Dieu. Elle me rappelle le prophète Elie qui a gravi le mont Horeb pour entendre la voix de Dieu (1 rois 19, 11). Il a dû attendre dehors, craintif, dans le bruit du tonnerre et de la foudre. Dieu n’était pas dans le bruit, ni dans le tremblement de terre. Pourtant, c’est dans le silence qui a suivi la tempête que « la faible voix » de Dieu a inspiré dans le cœur d’Elie les promesses d’un amour sans fin. J’ai dû cesser de courir afin de commencer à entendre la voix de Dieu dans ce petit endroit de mon coeur.

Un jour, j’ai rencontré un homme, Dan Hall, pasteur d’une église évangélique protestante au Mississippi. C’était un prédicateur dynamique et très discipliné, et sa façon confiante qu’il avait d’approcher Dieu comme un père ou un ami fidèle, était une réponse à ce désir profond que j’avais en moi. Avec l’encouragement de mon père, je lui ai demandé de devenir un « pasteur spirituel ». Ni l’un ni l’autre ne savions ce que « pasteur spirituel » signifiait mais cela me semblait plein d’espoir, et la vie de ce pasteur m’attirait. Je ne pouvais mettre de mots dessus, et peut-être était-ce seulement en raison de son caractère dynamique, mais il semblait vraiment amoureux de Dieu. Il a attendu une semaine avant de répondre à ma demande et me dire que si je lui donnais une année, il m’enseignerait tout ce qu’il savait.

Sans trop réfléchir, j’acceptai, vendis bateau et moto quelques semaines plus tard pour partir pour le bel état du Mississippi. Là, je découvris la signification de la paroisse en tant que famille. Je me référerais à cette prétendue « église non dénominative » en tant que « famille » parce que les limites sont ambiguës et peuvent être mal interprétées par les différentes traditions de la foi. Les seules habitudes que nous avions dans cette petite « famille » étaient fondées sur quarante minutes de louange et une heure de prédication à partir de la Bible. Nous étions enthousiastes lorsque le pasteur expliquait la Bible à la lumière de sa propre évaluation théologique. Malgré les liens forts qui unissaient déjà cette famille, j’ai été accueilli à bras ouverts comme un de leur membre. J’y ai appris la discipline avec un réveil à 4h30 : au début, il m’était si difficile de me réveiller que je dormais sur le plancher tapissé pour faciliter mon réveil. Je me rappelle avec émotion les longs repas et la vie communautaire.

Mais, en même temps, j’étais très blessé par les désaccords profonds de cette famille : plusieurs personnes très impliquées, ayant élevé leurs enfants au sein de l’église, avaient gardé une profonde amertume après avoir eu des désaccords avec le pasteur. Il n’y avait aucune unité évidente entre les milliers de dénominations protestantes ! Cela ne pouvait pas être ce que Dieu avait prévu et exprimé au travers les paroles de Jésus « que tous soient un » (Jean 17,21). Comment pouvions-nous être un si, en raison de désaccords, le peuple restait divisé et plein d’animosité. Et j’ai été préoccupé par ce manque évident d’unité entre les communautés ecclésiastiques protestantes, divisées par leurs divergences de vues, sans autorité pour résoudre leurs différences.

Une autre découverte principale a été mon propre besoin d’échange interpersonnel avec Dieu par la prière. Dans la Bible, Jésus consacre souvent du temps à la prière, particulièrement quand il doit prendre une décision importante comme le choix de ses douze apôtres (Luc 6,12), après avoir passé toute la nuit en prière. Ses disciples lui ont demandé de leur enseigner à prier, alors qu’ils avaient l’habitude d’aller et venir au Temple, à différentes heures de la journée. À ce moment-là, je ne savais pas que chaque prêtre prie cinq fois par jour, en communion les uns les autres, avec les mêmes psaumes et les mêmes prières. J’ignorais également que chaque moine et moniale prie tout au long de la journée, cessant leur travail quotidien pour boire profondément à cette communion à notre Seigneur, parfois jusqu’à huit fois par jour (les Bénédictines). En fait, je ne savais même pas que les moines et les nonnes existaient toujours. C’était dû à mon ignorance et à un manque de curiosité sur l’histoire de notre héritage chrétien. Je me suis rendu compte combien notre petite famille était fermée, et me demandais comment communier à Dieu.

Quelques temps après, j’ai trouvé des livres qui expliquaient comment prier. Dans le milieu protestant, je n’ai trouvé qu’un seul livre sur la pratique de la prière qui ait été autorisé : La célébration de la discipline. Mais d’autres livres ont commencé à attirer mon attention : des livres extraordinaires qui parlaient de l’amour des saints pour leur Sauveur, leur Roi. Ces livres étaient considérés avec légèreté, parce que leur auteur était catholique, et nos chefs de communauté dénigraient la plupart du temps tout ce qui était catholique. Bien que nous nous revendiquions « intercommunautaires », nous connaissions très peu le catholicisme dont il fallait nous méfier. J’avais entendu que les catholiques étaient la plupart du temps des hypocrites qui, comme les Pharisiens et les Sadducéens des temps bibliques, ont été repris et maudits par le Christ pour s’en tenir aux traditions et les imposer aux autres sans avoir de sainteté personnelle. J’avais également entendu que les catholiques vivaient dans le péché puis s’en justifiaient en allant se confesser. Selon les Protestants évangéliques, les catholiques étaient des buveurs de vin et des fumeurs (grand péché pour eux) et laxistes envers bien des défauts.

Mais à ce moment-là, je lisais un écrit entièrement nouveau, différent qui dérangeait mes certitudes. Il y avait Thérèse d’Avila, qui avait sacrifié tout attachement humain et jusqu’à son désir de mariage, malgré sa richesse et sa beauté, pour une vie sainte en vue du Royaume de Dieu. Sa dévotion fidèle et ses talents innombrables pour mener les âmes à l’union à Dieu m’ont frappé les sens, m’extrayant de ma léthargie pour la réalité vivante et merveilleuse de la prière intérieure.

En voyage vers l’Italie, je rencontrais une foule de témoins comme François d’Assise, qui était tellement amoureux de Dieu qu’il le rencontrerait même dans la souffrance et les pratiques ascétiques, lui faisant entièrement confiance au cœur des difficultés de la vie. J’ai lu chez Claudel que Dieu s’est fait Homme, non pas pour supprimer nos douleurs, ni même pour les soulager, mais pour les emplir de sa présence.

J’ai également rencontré sainte Cécile, fille d’un noble romain et mariée contre son gré à un centurion, qui a voulu consacrer sa chasteté et sa vie au service des pauvres. Elle convainquit son mari de la rejoindre dans son amour pour Dieu, au risque d’y perdre la vie. Ce qui lui arriva à lui, à son frère également centurion, et à sa Cécile bien aimée.

Ces histoires et tant d’autres eurent un écho tout particulier dans mon cœur désireux d’une vie en Dieu qu’illustraient leurs témoignages. Il y avait une participation mystérieuse à cette vie de Dieu qui méritait bien plus qu’une vie confortable. Ces martyrs étaient des fous aux yeux du monde, mais choisis par Dieu pour partager son grand amour, des témoins dont le monde n’est pas digne. Où étais-je dans cette histoire de l’amour ? J’ai su que je n’étais pas prêt à mourir pour ma foi protestante. Que manquait-il ?

C’est à cette époque que je commençais à aller secrètement à la messe, dans un petit couvent près de l’église protestante. J’entrais tôt le matin, m’asseyais dans le fond et restais sur mon siège pendant la communion. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Pourquoi le prêtre exécutait-il ces gestes spécifiques ? Que disait-il et que signifiaient les réponses de l’assemblée, réponses sorties directement de la Bible ? Je n’ai pas communié parce que je n’étais pas encore convaincu de la vraie présence du Christ dans l’Eucharistie sainte, je savais que saint Paul condamne ceux qui communiaient sans y mettre de la valeur. Et je revenais à la sainte messe, le cœur rempli d’une paix joyeuse qui durait toute la journée. C’était une expérience voulue par Dieu qui, peu à peu, m’a ramené vers lui. Je savais que nous avions été créés pour l’union avec Dieu et, dans la sainte messe, je découvris la principale façon par laquelle nous participons à cette vie. C’était un amour que je ne pouvais imaginer ou comprendre : il y avait Dieu m’offrant sa chair pour nourriture spirituelle.

Cette messe était la même messe que celle célébrée par les premiers apôtres dans l’Eglise primitive ; les mêmes gestes et les mêmes mots que Pierre et Paul ont prononcés pour évangéliser les juifs et les gentils. Et ainsi, j’ai réalisé que j’étais directement lié aux apôtres par ce sacrement de l’amour, lié également à toutes les messes célébrées depuis le commencement. Bien humblement, dans la petite chapelle du couvent à Jackson (Mississippi), j’étais relié par le corps eucharistique du Christ à tous les autres catholiques, à toutes les messes célébrées le même jour dans le monde entier ! C’était une merveilleuse nouvelle d’unité, l’unité pour laquelle le Christ avait prié en disant “qu’ils soient un”. C’était une vraie participation à l’amour qui se produit entre Dieu le père et Dieu le fils. En conclusion, par la messe, j’étais relié à toutes les personnes participant à l’eucharistie à chaque messe, jusqu’aux extrémités du monde. Cette idée m’a attristé, réalisant que j’aimais ma famille et mes proches, mais pas au point d’imaginer leur donner ma chair à manger. Destiné à cet amour divin, je commençais à découvrir qu’il existait d’autres moyens par lesquels Dieu nous permet de participer à sa vie et à son amour comme la Réconciliation, et dans chaque sacrement autant que dans la Bible.

Ce sera l’une des principales étapes de ma vocation. Rarement décelable à un moment particulier dans notre histoire, une vocation mûrit plus souvent progressivement et de façon subtile comme un sentiment amoureux. « Vocare » signifie « appeler » et est le fruit d’une participation mature à la puissance impressionnante de l’amour de Dieu. Je n’ai rien eu à faire dans ma propre vocation, sinon de répondre à l’invitation de Dieu et aux exemples de saints ayant vécu dans son amour. A ce moment là, mes parents étaient missionnaires protestants en France. Ils y sont venus pour se rapprocher de l’Eglise catholique et ont été confirmés dans l’Eglise. Je passai de longues heures au téléphone avec eux, apprenant les différences entre protestants et catholiques, et chaque nouveau pas vers l’Eglise catholique m’apportait soulagement et joie.

Mais vous avez néanmoins choisi de retourner à Hollywood…

C’est vrai, peu après, je retournai en Californie pour retravailler dans l’industrie du film. Rapidement, je me remis à travailler de longues heures et sur de grands travaux. Je fus tenté de m’impliquer entièrement quand j’eus un accident qui me brisa la cheville. J’eus quatre opérations et plusieurs mois pour récupérer ; les longues heures de rééducation se remplirent au fur et à mesure d’étude du catholicisme, je commençai à prier la liturgie des heures, cette prière dite régulièrement par tous les religieux et prêtres. Je pouvais étudier en détail les questions difficiles qui me séparaient du catholicisme : celles sur le rôle de médiation de la Sainte Vierge Marie dans l’histoire du Salut, ou sur l’autorité d’unification et de protection du Pape établie par le Christ et vrai successeur de saint Pierre. Toutes ces questions ont des réponses, logiques et vraies, fondées sur l’amour que Dieu a pour nous.

Cette période de ma vie a coïncidé avec une histoire de bergerie… En Terre sainte, il n’est pas usuel que le berger marche derrière ses brebis en hurlant, mais au contraire il les précède en chantant et leur parlant. Elles identifient sa voix et le suivent même dans des endroits périlleux, comme les puits d’eau. Si un des moutons s’éloigne, le berger l’ensemble du troupeau, comme dans la parabole des 99 moutons, pour partir à la recherche de celui qui est perdu, jusqu’à ce qu’il le trouve. Mais l’histoire devient intéressante lorsqu’au moment où il retrouve sa brebis perdue, le berger lui casse délibérément une jambe… Ainsi, est-il obligé de la porter sur ses épaules jusqu’à ce que la jambe guérisse. Si le berger devait uniquement ramener la brebis au bercail, elle s’éloignerait de nouveau rapidement ; mais par ce geste compatissant, pendant ce temps où le berger est obligé de porter la brebis blessée, le coeur du mouton se lie étroitement et fidèlement au coeur du berger. Et plus jamais elle ne voudra prendre congé du berger.

C’est ainsi que j’ai interprété mon aventure : ma cheville cassée était comme une invitation providentielle de Dieu qui m’appelait pour être plus près de son coeur. Et, parce que je ne travaillais pas, j’ai pu assister un temps à la messe quotidiennement, et ai commencé des classes de RCIA (Right of Christian Initiation for Adults, sorte de catéchuménat) pour en apprendre plus sur la foi catholique. Je suis devenu convaincu que l’Eglise catholique était en effet l’Eglise chrétienne originale commencée par le Christ. Evidente pour n’importe quel catholique, cette idée était entièrement nouvelle pour un protestant évangélique comme moi, qui n’y connaissais rien à l’histoire de notre foi ou à celle du Salut. J’avais également entendu que l’Eglise catholique s’était éloignée des enseignements du Christ pendant « les heures sombres » mais personne ne pouvait me dire exactement quand, ni de quelle manière. J’ai découvert que toute la doctrine catholique est basée depuis toujours sur la Bible et la Tradition sacrée de l’Eglise primitive, une tradition issue des interprétations des Ecritures, guidée par la vraie foi que le Christ a laissée aux apôtres et transmises jusqu’à nous au cours des siècles. Je connaissais assez les Ecritures pour savoir la nécessité d’une autorité qualifiée capable d’interpréter certains passages compris très différemment par ceux qui n’ont pas cette protection de la Tradition qui, dès l’origine, assembla le canon des Ecritures saintes.

Mais en dépit de ces convictions, j’ai conservé quelques doutes, partiellement reliés à la réalité des mystères de Dieu qui ne peuvent être compris par l’intelligence limitée de l’homme. Et c’est à ce moment là que j’ai découvert un poète qui a écrit que si je cherchais à connaître l’Eglise catholique, il me fallait observer les bâtiments et l’architecture, la liturgie et le clergé. Je pouvais même critiquer l’Eglise de l’extérieur ; mais ce poète ajoutait également que je ne connaîtrais jamais l’Eglise catholique sans l’aimer. Je devais considérer l’Eglise comme ma famille. Cet amour de l’Eglise me permettait d’avoir part à son riche héritage, mais également de souffrir devant le dédain de ceux qui la critiquent, devant toutes les erreurs commises par elle au cours des deux mille dernières années, celles pour lesquelles notre défunt Saint-Père Jean-Paul II a fait des excuses publiques plus de 90 fois. Tout ceci participait au vrai amour, à l’Unité de tous.

– Comment en êtes-vous arrivé à entrer au séminaire ?

Une des personnes clés dans ma conversion est un prêtre rencontré lors d’un voyage en France : Dominique Rey. Par la suite, j’ai été invité à son ordination épiscopale, cérémonie qui m’a beaucoup touché, à travers toutes les traditions pleines de significations, comme la pose sur sa tête du livre des Evangiles, de son humble prostration devant Dieu pendant la litanie des saints et de l’antique « Laudate Dominum » chanté avec conviction par l’assemblée de deux mille personnes rassemblée sous les platanes du séminaire de la Castille. Dès lors, je fus convaincu que l’Eucharistie permettait une union profonde à Dieu. Et mon raisonnement fut à peu près ceci : je croyais que Jésus était le vrai fils de Dieu et Dieu lui-même. En croyant ceci, je devais également croire ce qu’il avait dit au chapitre 6 de Jean : « C’est mon corps et mon sang ». Il insiste, le répétant plusieurs fois et reliant la croyance en cette vérité à l’obtention de la vie éternelle. Poursuivant mon raisonnement logique, je réalisais que chacun de nous était créé pour une union intime avec Dieu, et si nous passions notre Ciel à adorer et à chanter les louanges de Dieu, pourquoi ne pas commencer maintenant ? »

Monseigneur Rey me proposa le sacrement de confirmation au sein de l’Eglise catholique et, après avoir écouté attentivement mes petites objections, il m’encouragea en me montrant la célèbre photo d’un moine franciscain du Bronx portant un garçon et sautant par-dessus un arrosoir placé dans un pneu. Monseigneur Rey rajouta : « Entrer dans l’Eglise catholique, c’est ainsi… Ce n’est qu’un obstacle qui doit être sauté car tu continues ton chemin vers Dieu. » Ainsi, malgré quelques vieilles hésitations, mais avec toute ma foi dans le Christ, j’ai dit oui, sachant que je n’aurai jamais toutes les réponses à mes questions et réalisant également qu’avec l’Esprit Saint pour me guider, j’acceptais dans la foi une invitation à participer plus entièrement à l’amour de Dieu. J’étais prêt à aimer Dieu et à lui offrir l’obéissance par son corps l’Eglise. Ma confirmation eut lieu sur un bateau, dans la baie de Toulon, dans le sud de la France, et le lendemain, je me confessai et communiai pour la première fois… Mais après avoir assisté pendant près de deux ans à la messe, j’avais si faim de l’Eucharistie que je mordis les doigts de Monseigneur Rey qui m’apportait l’hostie. Il en sourit encore !

Peu après ma première communion, je retournai sans enthousiasme en Californie pour continuer à travailler, lorsque je reçus une lettre de Monseigneur Rey m’invitant à une expérience intéressante. Il me proposait de venir passer une année dans son séminaire de formation de prêtres pour le diocèse de Fréjus-Toulon. Son invitation impliquait trois aspects qui étaient l’approfondissement de ma foi catholique, l’étude de la vie en communauté et le discernement de ma vocation. La première option m’a rempli d’espoir en me faisant prendre conscience que je connaissais très peu la foi catholique et que je dépendais encore de nombreuses croyances protestantes de ma jeunesse. La dernière, cependant, m’a rempli de merveilles, me laissant entrevoir la possibilité du sacerdoce. Je me suis senti chanceux d’être bénéficiaire de la vie de Dieu à travers les sacrements : il n’y a pas de plus grand appel que de consacrer sa vie à donner aux autres les sacrements pour qu’ils puissent vivre également cette union à Dieu.

J’entrepris la merveilleuse retraite de saint Ignace, et décidai de faire le pas et d’entrer au séminaire. J’étais trop heureux de consacrer des heures de prière intime avec notre Seigneur pendant cette année de discernement. Nous y avons découvert beaucoup d’aspects de l’Histoire et la doctrine catholique, la vie et la liturgie. C’était une excellente formation pour ma nouvelle foi catholique. Je n’avais pas abandonné ma croyance protestante, j’avais seulement ajouté de nouvelles manières de rencontrer le Christ, par les sacrements, la communion des saints et la protection de l’autorité du Magister. La prière silencieuse pendant une heure chaque jour était comme un coin du Paradis où mon cœur rencontrait notre Seigneur en tête-à-tête. Après cette année, je partis à Rome vivre au cœur de l’Eglise étudier la philosophie en vue de la théologie. Après deux ans, Monseigneur Rey m’a envoyé au Collège International « Sedes Sapientiae » à Rome. C’est une maison de formation pour séminaristes dirigée par les pères de l’Opus Dei.

– Quelle importance revêt le fait d’être à Rome ?

Dans la cave de notre séminaire passe une route du premier siècle qui a très probablement mené les premiers chrétiens à la sainte messe. Saint Paul pourrait y être descendu lors de ses voyages à Rome pour confirmer sa doctrine avec saint Pierre, et les pavés antiques ronds et cabossés rendent témoignages des nombreux chariots qui ont traversé les quartiers populaires de Trastevere, du Tiber à Rome. C’était ici à Rome que Pierre souffrit le martyr et que le sang des chrétiens est devenu graine pour l’Eglise, pour nous apporter le message d’Evangile encore deux mille ans après.

La vie au cœur de l’Eglise nous donne une vue unique de la vie catholique. Nous venons pour découvrir cette ville où chaque église, chaque saint témoigne de la merveille qu’est l’invitation de Dieu pour les hommes et les femmes. C’est dans cette ville que beaucoup de gens découvrent la vraie signification du catholicisme comme culture et mode de vie. Par exemple, le séminaire de « Sedes Sapientiae » où je vis abrite 85 séminaristes originaires de 32 pays et de 63 diocèses. Cette diversité témoigne de la vraie universalité de l’Eglise ! Le message de l’Evangile est le même pour tous, quelque soit son pays ou son époque ! Avec ses fêtes religieuses et ses saints, le calendrier rythme le mode de vie à Rome, célébrant ceux qui ont rencontré Dieu tout au long des siècles. Un historien a émis l’hypothèse selon laquelle la survie de Rome n’est probablement due qu’à la présence de l’Eglise qui, au cours des siècles, a accueilli les pèlerins et a offert les mystères (sacrements) de Dieu pour la nourriture et le salut spirituels des nations.

Une partie spéciale de notre formation consiste à visiter les lieux historiques de Rome. Pourtant, la partie la plus importante est certainement la proximité à notre pape Benoît XVI et à l’ancien pape Jean Paul II. En présence du successeur de saint Pierre, nous sommes quotidiennement témoins par le journal ou dans les nouvelles des questions internationales qui intéressent sa Sainteté et le rôle actif que joue le Vatican que ce soit dans les affaires internationales ou dans la vie concrète du fidèle. Parfois nous avons des visites spéciales de la part de cardinaux ou du prélat de l’Opus Dei. Ainsi, Monseigneur Javier Echevaria est venu en juin au séminaire « Sedes Sapientiae » pour sa visite annuelle. C’était un honneur de pouvoir lui poser des questions et d’entendre son avis sur l’importance de la prière dans la vie d’un chrétien et plus spécifiquement dans la vie des séminaristes qui se préparent au sacerdoce. Certaines phrases étaient de vrais bijoux spirituels comme : « Nous n’étudions pas simplement pour obtenir de bonnes notes… Que vos études soient une prière, et tirez profit de ce temps que vous prenez pour apprendre et construire votre intelligence. » Il nous a également encouragés à lire chaque jour la Bible, nous racontant comment Christ lui avait parlé un jour à travers une parabole qu’il venait de lire. La Parole est vivante et donne la vie. J’ai été frappé par son humilité et, peut-être est-ce exagéré, mais je puis dire que j’eus l’impression profonde de la présence du Christ parmi nous. Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu’ont ressenti les gens présents au moment où le Christ enseignait, guérissait ou aimait ceux autour de lui ? La simplicité de sa communication et la profondeur de ses mots m’ont convaincu que Monseigneur Echevaria était pour nous un vrai exemple de prêtre, un disciple du Christ plein d’amour pour l’Eglise et prêt à consacrer sa vie entière au service des fidèles. J’ai été touché par son humilité, lorsqu’il nous a demandé de prier pour lui, pour qu’il soit toujours fidèle, sans faire d’écart à la fin de sa vie. Quelle connaissance de sa propre faiblesse, et quelle humilité. Prions pour nos responsables d’Eglise !

– Qu’attendez-vous de l’Université pontificale de la Sainte-Croix ?

L’université de la Sainte-Croix à Rome est confiée par le Saint-siège aux prêtres de l’Opus Dei. Quand j’ai commencé à y suivre les cours, les professeurs vivaient la joie et la plénitude de la vie chrétienne dans le Seigneur. Leur joie était vraiment contagieuse et les prêtres avaient une manière d’enseigner qui prouvait que la vie chrétienne n’était pas une théorie d’exposition, mais une vérité profonde, partie intégrante de leurs vies. Les prêtres ont vécu réellement dehors sur une base pratique les vérités qui sont proposées par le Magister. Et ce témoignage rendait leur christianisme contagieux et attrayant. Je me rappelle dès le début avoir vu le Christ au travers de leurs vies, me disant : « Si Dieu m’appelle au sacerdoce un jour, c’est ainsi que je veux être prêtre. » Il est plus facile d’être formé par des prêtres lorsque nous voulons les imiter. Les cours étaient souvent à l’extrême limite de leur domaine, mais suivaient attentivement la doctrine de Vatican. Cette fidélité au Magister de l’Eglise est une garantie de la vérité des enseignements. Sans tenir compte des informations dépassées, chaque professeur, particulièrement en philosophie et en théologie, travaillaient à rédiger de la documentation mise à jour et fidèle aux enseignements de l’Eglise. J’espère seulement ne pas être paresseux pendant ces années de formation pour profiter pleinement de ce temps à Rome.

– Quelles sont pour vous les qualités primordiales d’un prêtre aujourd’hui ?

Il y a quelques années, pendant que je commençais à envisager ma vocation, j’ai posé à un certain nombre de personnes la question suivante : « Qu’est-ce qui fait un bon prêtre ? » Les réponses étaient aussi diverses que le nombre de personnes que j’avais interrogées. Certains ont indiqué qu’un prêtre devait être un homme de prière. D’autres ont indiqué qu’un bon prêtre était un homme qui n’a jamais fini sa formation mais la poursuit jusqu’à la fin de son sacerdoce. Tous ceci et d’autres réponses étaient très vrais, et leur résumé en une idée n’est pas facile. Cependant, une citation que nous entendons souvent à la Sainte-Croix est ceci : « L’Eglise n’a pas besoin de prêtres… L’Eglise a besoin de prêtres saints. » La sainteté est l’appel de Dieu sur chaque chrétien et encore plus sur les prêtres, pasteurs des brebis du Christ. Un prêtre en France a dit récemment que le cléricalisme est quand le prêtre ne va pas toute manière à la fin de sa vocation, mais arrange réciproquement quelque part sous peu du but. Ainsi le prêtre d’aujourd’hui doit être d’avantage qu’un simple administrateur des sacrements. Il doit être un homme de prière profonde, en communion avec la puissance de Dieu, pour mener ses prochains vers cette même intimité. Il doit également être très aimable, exprimant les qualités les plus fines de la personne humaine religieux et anthropologique par une formation humaine rigoureuse. Jésus était très courtois, s’habillant dans une tunique fine d’un seul morceau que même les soldats n’ont pas souhaité déchirer. Il prenait soin de son hygiène et aux normes culturelles, comme le lavement des pieds d’invités ou la salutation par un baiser (Luc 7, 44). En toutes ces choses, il est notre modèle. Le prêtre doit savoir transmettre par sa vie entière les raisons pour lesquelles le Christ est mort. Priez, s’il vous plait, pour tous les prêtres et séminaristes, que nous ayons le courage d’aller par tous les moyens à la sainteté, à la suite du Christ, vrai pasteur.

– Quelle fut votre plus grande joie jusqu’à présent ?

Je peux dire sans hésitation que la plus grande joie dans ma vie est celle profonde qui ne cesse de grandir jusqu’à aujourd’hui. Cette joie est le cadeau de Dieu par son Eglise catholique. Quel merveilleux cadeau que de découvrir les profondeurs des mystères de Dieu, sans compromettre la vérité de Jésus-Christ et la vie qu’il nous réserve par les sacrements.

– Quels sont vos souhaits pour l’avenir ?

Pendant ma promenade aujourd’hui, je suis passé devant un cimetière. Les premiers chrétiens évoquaient le cimetière comme « la ville du sommeil » où ceux qu’ils ont aimés attendent la résurrection finale. J’ai regardé les pierres tombales ; la pensée m’est venue qu’un de ces prochains jours, je regarderai ma vie passée. Qu’est-ce que j’espère avoir accompli ? J’espère que j’aurai mis mes pieds dans ceux de Jésus-Christ, sans fierté ni paresse, et que je pourrai dire avec saint Paul : « J’ai combattu le bon combat, j’ai fini la course, j’ai gardé la foi. Dorénavant on élève pour moi la couronne de la droiture, que le Seigneur, le juste juge, m’attribuera ce jour, et non seulement à moi mais également à tous ce qui l’ont aimé. » (2 Tim. 4, 7-8)

Source : Des prêtres pour toutes les nations

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