Chantal Sébire s’en est allée. Elle a tiré sa révérence au nez et à la barbe des législateurs qui lui avaient refusé le droit au suicide assisté qu’elle demandait. Chantal Sébire a semé le trouble, relancé le débat sur l’euthanasie et la fin de vie. Alors que ses différents témoignages avaient, jusqu’à présent, bouleversé la France, le reportage diffusé dimanche soir sur la chaîne M6 laisse un sentiment de malaise. Le téléspectateur se retrouvant otage de son propre voyeurisme, désemparé devant des images exposant une intimité frôlant l’impudeur.
Emotion et déballage
Ce reportage, dont il avait été convenu entre les parties que la diffusion aurait lieu après les obsèques, relate les douze jours qui ont précédé le décès de Chantal Sébire. Il s’agit donc du récit d’une agonie qui oscille entre psy show et science-fiction. Le spectateur se retrouve ballotté entre l’émotion et le « déballage ». Emotion, parce que l’institutrice se donne totalement à la caméra. Vive, intelligente, drôle, déterminée, épuisée, souffrante, mourante, Chantal Sébire scotche le téléspectateur à chacune de ses répliques. Les scènes s’enchaînent, les jours passent, Chantal orchestre son « départ » allant jusqu’à choisir la sonate qui accompagnera ses derniers instants : « Qui peut mieux savoir que moi que le temps est arrivé ! » lance-t-elle aux caméras rivées sur ses rires et ses larmes. Voyeurisme, hélas. Même si le mot peut déranger. Il s’impose à la conscience lorsque la petite Mathilde, fille de Chantal, tout juste âgée de 13 ans prend à son tour la parole : « Au début, on n’était pas d’accord avec son choix. Vincent s’est résigné (ndlr : son grand frère). Moi, j’ai eu du mal (..) mais rien n’apaise la douleur de maman, il faut que cela cesse (..) je ne suis pas une enfant, mais une personne, mon enfance est passée à la trappe (..) ». Comment ne pas être bouleversé par ce petit brin de femme, livrée en pâture aux caméras, aux téléspectateurs.
Contrôle ultime
« C’est un combat médiatique » martèle Chantal durant le reportage. Ce combat, elle l’aura mené jusqu’au bout avec l’obsession du pouvoir absolu, du contrôle ultime. « Moi, ce combat médiatique je ne l’ai pas souhaité. Elle, seule, oui. On a été obligé de la suivre » murmure sa fille Virginie. Reste que 40 minutes plus tard, le malaise s’est installé. Comment ne pas se poser la question de la souffrance des proches de la défunte. Comment ne pas s’interroger sur ce sujet si délicat, exposé, dépecé, par la téléréalité qui lorgne l’audience davantage que l’analyse. Ces images ont induit le doute et flouté nos émotions. Le combat mené par Chantal se voulait digne, tout comme sa mort. Alors pourquoi l’institutrice, Chantal Sébire, s’est-elle laissée prendre à ce voyeurisme douteux ?
Du côté de l’émission, pourquoi ne pas avoir relaté avec la distance nécessaire le combat de Chantal ? Pourquoi avoir interviewé la petite Mathilde ? Pourquoi avoir annoncé à grand fracas médiatique des révélations sur les circonstances de son décès aux résonances racoleuses et inutiles ? La dignité dont Chantal Sébire avait fait son cheval de bataille n’était pas au rendez-vous, dimanche soir.
Source : Le Bien Public
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