Où l’on essaiera de mettre au clair ce qui distingue l’amour de la passion et où l’on tentera de trouver des critères de discernement.
NDLR : Cet article va être long et ardu et je m’excuse par avance s’il peut blesser, mais le sujet est trop important pour que je prenne le risque que l’on me méprenne, ou de survoler le thème sans creuser.
NDLR 2 : L’emploi de la première personne du singulier ne veut pas dire que l’auteur, si génial soit-il, parle (toujours non, parfois si ! ) d’expérience, c’est juste un style pour être plus proche du lecteur.
Une exposition intermittente passée à Melrose Place, ma longue expérience, ma grande sagesse et maturité exceptionnelle, combinée à une modestie sans pareille (ça fait toujours du bien de s’auto-passer de la pommade, même si c’est mieux quand c’est les autres) m’ont conduit à me pencher sur quelque chose qui nous touche tous de plus ou moins près : l’amour et la passion.
…avant de commencer, histoire que l’on soit tous OK sur les termes.
1) Selon Pascal Ide (Construire sa personnalité, Le Sarment-Fayard), on appelle passion les actes de l’affectivité.
2) La passion est moralement neutre (ouf sauvé !).
La colère, l’amour (au sens passionnel c’est-à-dire ne faisant pas intervenir la volonté et l’intelligence), la gourmandise en eux-mêmes lorsqu’ils surgissent, ne sont en soi ni bons ni mauvais. C’est ce que l’on en fait avec notre intelligence et notre volonté qui sera bon ou pas.
3) Pascal Ide (Docteur en philo, en théologie et prêtre, une tête, quoi !), distingue passion antécédente (qui surgit spontanément avant l’intervention de l’intelligence et de la volonté), et passion conséquente (qui suit l’action de l’intelligence et de la volonté) bénéficiant de l’élan de la volonté et du discernement de l’intelligence.
Exemple tout bête. C’est la différence entre les grands cascadeurs et les cassed-cou. Ils ont tous la passion du risque et du grand frisson. Mais les cassed-cou le vivent de manière antécédente. Les cascadeurs, eux, préparent minutieusement leurs exploits en envisageant tous les risques et les difficultés. Ils savent y renoncer lorsque l’incertitude devient trop grande. La passion les anime, mais c’est une passion conséquente, car intégrée par leur intelligence et leur volonté. Elle reste un élément moteur, mais plus une finalité sans conditions.
4) La passion à l’état pur, qualifiée d’antécédente, car elle précède toute intervention de l’esprit, est psychologiquement bonne (car c’est une énergie à notre disposition) et moralement neutre (car elle n’est pas encore prise en charge par notre liberté responsable).
On doit donc éviter de tomber dans les deux extrêmes qui opposent irrévocablement passion et raison en donnant tort soit à la première (type janséniste), soit à la seconde (hédonisme).
5) La passion n’est vraiment intégrée que lorsqu’elle est conséquente, lorsqu’elle suit le projet de construction de l’homme. Elle est conséquente car elle est consécutive aux décisions. Un exemple facile à comprendre est le cas d’un homme tombant amoureux d’une femme mariée.
Il se trouve alors devant l’alternative suivante. Il cède à sa passion antécédente et va faire plus de mal que de bien. Ou alors il considère sa passion avec son intelligence et sa volonté pour décider de la transformer en acte bon ou mauvais, en y renonçant par exemple.
6) Évidemment c’est un idéal, mais un idéal est quelque chose vers lequel on tend asymptotiquement.
On ne l’atteint jamais mais on s’en rapproche toujours plus (un peu comme le saint, qui est celui non pas qui ne tombe jamais, mais celui qui se relève toujours !).
C’est ce que dit Pascal Ide (Connaître ses blessures, Editions de l’Emmanuel). La passion ne se maîtrise jamais totalement, car notre raison n’est pas toute puissante. Mais je pense que la grâce reçue dans la prière peut épauler efficacement cette défaillance de la raison.
7) Et c’est parce que l’on ne peut arriver à un contrôle absolu de ses passions de par ses propres forces que celle-ci fait peur. Cette peur peut être salutaire en devenant un vrai chemin d’humilité. Elle amène à reconnaître sa faiblesse et à se tourner vers la seule personne infaillible, le Christ.
FIN DE LA PARENTHESE et retour à la discussion si vous suivez toujours.
Le jour où les hormones ont pris le pouvoir, il a fallu compter avec la passion (en général et la passion amoureuse en particulier).
Pour faire simple, imaginons que je rencontre une nana chez des amis et je me dit après coup que-diantre-cette-jeune-fille-me-semble-bien-charmante !
Et puis ensuite bing ! Il faut me rendre à l’évidence, je suis amoureux !
Mais est-ce-que je l’aime ?
Et puis d’abord flûte je suis sincère et spontané et l’amour c’est simple j’aime ou j’aime pas, alors pourquoi attendre ?
Autant déclarer sa flamme tout de suite !
Aussitôt dit aussitôt fait.
Je sors la technique d’approche n°4 calquée sur celle du vrai timide et sensible mais qui le cache sous des apparences de boute-en-train et bingo, je sors avec elle !
Je sais je caricature mais j’essaie de maintenir l’attention du lecteur.
La période qui suit est variable (de dix jours à plusieurs mois), suivant la beauté de la dulcinée ou des ses qualités, le passage d’autres top-modèles, le taux d’humidité de l’air, les dates de partiels et d’autres nombreux paramètres.
Et puis je m’aperçois que ma copine a des défauts (si si, là un gros dans le coin !) qui finissent par occuper tout mon esprit, ou bien je ne ressens plus rien vis-à-vis d’elle. Donc je ne l’aime plus et plouf ça tombe à l’eau et je me retrouve sur le quai, tout bête. Je me suis monté un bateau (mais qui a coulé genre Titanic) !
ATTENTTTTION, je parle ici d’expériences vécues sincèrement même si pas très en vérité, pas de celles genre tableau de chasse ou performance sportive.
3 constatations :
• J’ai trompé l’autre en me trompant consciemment ou inconsciemment sur la profondeur de mes aspirations. Confondu sincérité/spontanéité et vérité.
• En fait je suis resté au stade de la passion je n’ai pas fait intervenir intelligence et volonté
• J’ai peut-être mis la charrue avant les bœufs, mais ca dépend de ce que je recherchais, le big love ou une copine pour me sécuriser, et me faire prendre conscience de ma capacité de séduction et ma virilité.
Oui j’étais amoureux (et c’est bien souvent comme ça que commence les grandes histoires d’amour qui ne finissent pas), mais je ne suis pas passé au stade qui dure c’est-à-dire d’un état (être amoureux) à un acte (aimer) faisant intervenir, répétons le encore une fois, les fameuses intelligence et volonté. En gros j’ai pris la passion qui m’animait pour de l’amour… j’ai peut-être manqué de discernement.
Et c’est là qu’intervient l’oncle Paul (1 Co 13 4-8 et plus largement) qui définit la charité. On peut y trouver des critères de discernement fort utiles. L’AMOUR véritable (au sens chrétien du terme, c’est-à-dire la charité) a pour source Dieu et nous est donné par la grâce.
L’amour du prochain, l’amour entre deux êtres, l’amitié en découlent. Il nous est donné pour être réalisé dans notre vocation (ici on reste à l’option vocation au mariage). Sans la grâce, il nous est impossible de le vivre, mais bon, comme Dieu nous la donne en surabondance (si on la demande par la prière) il reste à notre portée. Paul nous définit l’amour (charité) de façon très précise, par les fruits qu’il donne et c’est bien pratique car comme dit JC si je ne m’abuse : on ne peut juger l’arbre qu’à ses fruits.
C’est à dire que le moyen le plus sûr de savoir si on est en vérité c’est de disposer de moyens objectifs. Et si je suis honnête avec moi-même, les critères les plus objectifs dont je dispose sont bien ces fruits. Je trouve personnellement que ce que dit Paul peut aider à discerner l’amour vrai de la passion et montrer le chemin à suivre pour y arriver.
Évidemment ce n’est ni une recette ni une équation du type ci-dessous :
Mais cela peut aider à y voir plus clair. Extraits choisis.
« L’amour ne cherche pas son intérêt » : eh oui l’amour est gratuit ! Donc si j’aime en vérité (ou si c’est mon objectif) et que Monique dit ne pas m’aimer et bien je ne peux que l’accepter, car aimer est un acte inconditionnel, gratuit qui n’attend rien en retour (autrement dit l’investissement est énorme, la rentabilité incertaine mais quand ça paye on fait sauter la banque !).
C’est dur à vivre mais l’autre reste par définition libre de ne pas aimer et on ne peut pas lui en vouloir.
Ce qui ne veut pas dire qu’il est anormal de vouloir être aimé, on reste quand même des hommes.
« L’amour prend patience » : il est ardu de résister à la tentation de passer un coup de fil à l’élue de son cœur (virtuelle ou officielle) surtout quand on doit être séparé très longtemps (24 h c’est long tout de même).
Mais cela permet d’éviter de tomber dans le piège de l’amour fusionnel où l’on devient dépendant l’un de l’autre.
En revenant à ce que dit Pascal Ide, si on intègre sa passion en passion conséquente rien n’empêche d’avoir l’autre dans la peau. J’ai eu récemment, à un cycle de formation, le témoignage d’un PDG de 35 ans qui est toujours aussi amoureux de sa femme et merci Seigneur.
Mais comme il nous l’expliquait (j’ai d’ailleurs emprunté pas mal de ses idées dans mon propos), la passion connaît des hauts et des bas et c’est pourquoi il est vital de construire quelque chose de plus solide.
• « L’amour ne jalouse pas » : genre quand Bobonne (virtuelle ou réelle) discute avec un autre jeune homme, c’est limite supportable.
Un ami très proche m’avait confié qu’avant d’avoir conquis sa future femme il était très jaloux de sa chérie qui ne l’était pas encore. A l’époque, fiancé, il m’avait laissé installer Internet chez sa douce jusqu’à deux heures du matin, sans crainte (j’avoue que ce n’est peut être pas un bon exemple puisque je la connais très bien comme amie, et que j’avais la confiance des deux, mais vous aurez saisi l’intention). Je dois garder à l’esprit que je ne possède pas l’autre, mais qu’en amour on se donne réciproquement et librement. Et puis dans l’ordre (j’abrège pour éviter d’être trop long et puis aussi parce que je n’ai plus rien à dire), « l’amour rend service, ne plastronne pas, ne s’enfle pas d’orgueil, ne fait rien de laid, ne s’irrite pas, n’entretient pas de rancune, ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité, excuse tout, croit tout, espère tout, endure tout, etc. ». A vous de choisir ce qui peut vous aider !
Passion et amour c’est possible, mais passion passée au filtre de l’intelligence et de la volonté pour donner un amour bien corsé. Tout le travail sera de purifier cet amour naissant en amour mature et solide sur le quel on peut construire quelque chose. Il faut chercher à passer de l’éros (envie de posséder pour soi), à la filia (joie de partager quelque chose avec l’autre, l’amitié plus simplement) et à l’agapé, qui est l’amour gratuit de l’autre (je l’aime pour lui). Bien sûr pour bâtir il faut être deux. Et la discussion présente n’a de valeur que dans le cas d’une histoire réciproque. Mais, ce qui est vraiment génial, c’est que la charité dont parle saint Paul est également à la source de l’amitié (filia) comme il l’a été précisé plus haut.
Donc à la limite pas de problème, s’il n’y a pas réciprocité en attendant de trouver la bonne il y a une amitié à construire (reste à faire le deuil des sentiments non partagés c’est pas toujours évident, cela peut prendre un temps variable voire ne pas être possible). Et Saint Paul Corinthiens 1 13 peut aussi aider à passer d’une amitié plus ou moins intéressée à une amitié plus profonde car plus gratuite. En poussant à l’extrême, et je ne le souhaite à personne car cela ne doit pas être facile à vivre, je devrais à la limite me réjouir du mariage de celle que j’aime avec celui qu’elle aime mais bon, cela reste un cas d’école et je reconnais que c’est complètement tiré par les cheveux.
De toute façon, la providence n’est pas aussi compliquée, il n’y a que mon cerveau torturé pour aller imaginer ça.
Merci d’avoir suivi jusqu’au bout et bonne route, sur laquelle je ne serai pas forcément le plus rapide d’ailleurs.
Encore un mot...
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bravo pour ce texte
Mais qui es tu ?
Un garçon qui parle d’amour en s’inspirant de sa propre histoire! wouah les filles n’en reviennent pas!
on voudrait voir çà plus souvent.
merci pour cette simplicité et cette lucidité!
Soyons délicat, bienveillant et respectueux dans nos relations.
Merci pour ce partage,ce texte tellement éclairant, tant dans le domaine des passions amoureuses que dans tant d’autres,où nos passions "antécédentes" nous étonnent parfois!
Bon vent
Très, très bien cet article! (à titre personnel ça continue de m’aider par rapport à la personne à qui je pense)
Pour ceux qui voudraient du plus condensé (trop tard me direz-vous, j’ai lu tout l’article 😉 ), voir celui sur l’amour obsessionnel et l’amour vrai en suivant mon lien.
Plus largement, pour les chrétiens ayant vocation au mariage, je signale à toutes fins utiles l’existence récente du blog celibataireschretiens.ove… qui a vocation à recenser "tout" ce qui concerne ce sujet délicat.
(Si vous n’y voyez pas d’objection, on compte y signaler votre article, avec bien sûr un lien vers l’original.)
Bonne route vers le mariage à tous ceux et celles concerné-e-s.
Article intéressant, bien écrit et dont je partage le fond.
Merci