Le Massacre des Innocents, du 24 avril au 13 mai à Paris

Mystère des saints Innocents : La joie de la Nativité est immédiatement suivie de l’horreur de l’extermination. Comment celui qui apporte la paix peut-il inaugurer son règne par un carnage ? C’est comme si la foi portait avec elle sa radicale remise en cause. Treize scènes à la fois tragiques et comiques, ponctuées par une musique tendre et violente comme l’histoire juive, rendent l’événement proche, presque tangible : enfants, bergers, soldats, rabbins, mages et mères, tyran et demoiselles, mais aussi clowns et anges maladroits, victimes et «acteurs» de l’histoire, en portent l’empreinte brutale… Rencontre avec l’auteur et metteur en scène, Fabrice Hadjadj.

Géraldine Gotzig (Arts, Cultures et Foi) : Votre pièce fait évidemment référence à un des mystères chrétiens mais il rejoint aussi l’interrogation de tout homme face au mystère du mal et de la souffrance. Il y a dans cette œuvre un double motif, une intention proprement théâtrale qui vient rencontrer une intuition spirituelle forte.

Fabrice Hadjadj : je n’aime pas le théâtre à thèse, qu’elle soit communiste ou contre -révolutionnaire, athée ou catholique. Le théâtre peut bien partir d’une thèse, mais essentiellement il est le lieu du drame, et la thèse est bientôt obligée de se rompre et de se charger en question. Voila pourquoi c’est l’intention proprement théâtrale qui prime ici. Si j’avais voulu défendre une thèse théologique, j’aurai fait une conférence. Avec le Massacre des Innocents s’ouvre un abîme que ni l’athéisme ni un certain quiétisme ne peuvent entrevoir. Des enfants de moins de deux ans sont assassinés par un tyran qui redoute parmi eux un rival politique. Si ces enfants comme le croit l’Eglise sont des martyrs, comment saisir leur témoignage sans parole ? Au début de la pièce, un personnage demande « comme cela s’est fait que le premier témoignage soit aussi la première objection ? ».

Géraldine Gotzig : le massacre des Innocents touche d’abord et avant tout le peuple juif. N’y a-t-il pas dans votre travail d’écriture la volonté implicite de montrer ce peuple comme l’archétype de l’innocence bafouée ?

Fabrice Hadjadj : qu’est ce que le Nouveau Testament, sinon le Geste du juif par excellence ? Et la mission des apôtres, sinon la gloire catholique du Dieu d’Israël ?

Géraldine Gotzig : Votre style est surprenant : vous faites passer le lecteur facilement et sans trouble de l’humour à l’effroi, de l’élévation poétique à l’ordinaire du quotidien le plus cru, et telle conversation plus que banale nous conduit peu à peu en une profondeur insoupçonnée.

Fabrice Hadjadj : Cette pièce n’est pas sinistre, il y a du comique, des clowns même, et du violon tzigane et du bandonéon ! Mais c’est un comique qui n’est jamais du divertissement et qui n’oublie pas le questionnement qui s’ouvre au cœur d’une existence frappée par le malheur. Je tiens au style, à la langue française et musculeuse, à ce mystère de chair et de souffle auquel le comédien donne jour. La parole, c’est fait pour être mangé. Je voudrais des phrases qu’on ait bien en bouche, telles que les acteurs aient de quoi se nourrir. C’est vrai que je donne parfois dans une écriture de la cruauté : on ne passe pas sa jeunesse à lire Artaud et Michaux sans séquelle !

Géraldine Gotzig : Vous avez choisi d’être le metteur en scène de votre pièce. Ne pensez-vous pas qu’il pourrait y avoir richesse à confier ce travail à un autre ?

Fabrice Hadjadj : l’animation avec ma femme d’un atelier de théâtre depuis trois ans puis une suite de rencontres, des comédiennes qui aiment le texte et que je voulais voir jouer, des musiciens et un peintre avec qui j’ai déjà travaillé. Je ne pouvais pas imposer cela à un metteur en scène.

Géraldine Gotzig : quel rapport entretenez-vous à votre œuvre et à la mise en scène en général ?

Fabrice Hadjadj : écrire et mettre en scène sont deux choses très différentes. Confondre les deux, conduit soit à un théâtre livresque soit à une écriture inconsistante. Je ne crains pas de sabrer dans le texte : ce qui tient sur la page n’est pas forcément ce qui est le plus efficace sur la scène. Il faut tout arranger en fonction de ce que propose le comédien, le lieu, la représentation même. La merveille de la scène, c’est qu’on est plus écrivain enfermé dans son cabinet, c’est une expérience communautaire exceptionnelle, et puis c’est l’incarnation d’un verbe.

Géraldine Gotzig : Vous avez demandé à un artiste, Gérard Breuil, de réaliser les décors. Pourquoi avoir choisi cet artiste ? Qu’attendez-vous de son travail de création ?

Fabrice Hadjadj : J’ai travaillé avec Gérard Breuil, dans l’abbaye de Tournus, pour une œuvre intitulée La salle capitulaire. C’est un artiste et plus encore un artisan dont j’admire la profondeur et la probité. Son art en lui rassemble le grand dépouillement cistercien et les audaces d’un Soulages ou d’un Rothko. Nous ne pouvons que nous entendre, je déteste le grand spectacle, surenchère des gadgets high-tech…Je suis sûr que Gérard Breuil saura façonner le cadre comme un ostensoir qui mettra en valeur cette présence réelle.

Extraits recueillis en juillet 2006, Géraldine Gotzig, arts, cultures & foi.

Le Massacre des Innocents, Scènes de ménage et de tragédie

Espace Georges Bernanos
4 rue du Havre paris 9e (Havre-Caumartin)
Paris 9e (Havre-Caumartin) Du 24 avril au 13 mai 2007
20h30 du mardi au samedi
16h00 les dimanches et jours fériés
Tarifs : 20 et 12 euros

Renseignements et réservations
Tel : 01 75 438 568
Web : www.lesprovinciales.fr

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