Le débat sur le rôle et les enjeux de la Pop-Louange dans la mission de l’Église enfle dans les milieux cathos (et protestants !), beaucoup s’en emparent et participent de multiples manières (merci Internet !), donnent leur avis, analysent, témoignent : c’est excellent et vivifiant car toutes les contributions (même contradictoires) sont intéressantes, elles permettent d’affiner, de préciser, de mieux discerner. Depuis longtemps, nous n’avions pas été témoins d’une telle vitalité dans un débat « public » très spécifiquement spirituel et pastoral : tant s’impliquent, des « spécialistes » aux curés de paroisse en passant par de nombreux jeunes engagés dans un groupe de prière, dans leur lycée ou leur fac. Tout cela n’est pas un hasard : « Levez les yeux et regardez les champs dit le Christ, ils sont blancs pour la moisson » (Jn 4, 35).
Sur le fond du débat posé par certains sur le « business » de la Pop-Louange, il nous semble très réducteur de la considérer, soit comme un star-system confessionnel, soit comme un segment et « produit » marketé du marché musical (et je crois parler en connaissance de cause comme professionnel du marketing depuis 20 ans !). Les apparences peuvent être cependant trompeuses pour qui n’est pas averti, il est vrai. Voici donc deux arguments déterminants pour éclairer notre propos.
« La Bible n’est pas qu’un best-seller, et pourtant… »
Le premier serait plutôt analogique et vise une démonstration par l’absurde : le Vatican et la Terre-Sainte sont-ils parmi les plus beaux « produits » touristiques du monde au regard de leur succès planétaire et jamais démenti des innombrables pèlerinages qui y sont organisés ? Les encycliques des papes ou les textes de Vatican II, les livres de Jean-Paul II ou de Benoît XVI, la Bible et les Évangiles – véritables « best-sellers » mondiaux de l’édition – ne sont-ils que des produits ayant trouvé leur « segment » dans le marché éditorial ? Bien sûr qu’ils génèrent une activité économique qui peut être importante, bien sûr que certains croyants ou non croyants vivent (et même gagnent de l’argent, un mot « terrible » pour certains chrétiens !) avec ces voyages et ces livres, est ce pour autant que nous allons les réduire à leur seule dimension mercantile, à leurs « parts de marché », à l’opportunité de pénétration et de rentabilité du « marché du religieux » ? Personne n’est naïf pour nier les conséquences économiques de telles activités; mais nous serons tous d’accord pour admettre que les considérer sous l’angle principal du prisme commercial, ce serait le fruit d’un regard très orienté ou partisan, très partiel ou déformant. Il en va de même pour le phénomène Pop-Louange.
« La Pop-Louange vise une oeuvre de Pentecôte »
Notre second argument ambitionne de souligner les bases théologiques et scripturaires de la Pop-Louange car celle-ci peut réellement devenir un vecteur singulier et pertinent pour actualiser en ce monde du XXI° siècle l’expérience missionnaire et spirituelle de la Pentecôte elle-même. En effet, la louange publique à Dieu dans une foi authentique, dans un langage musical contemporain devenu universel, au sein d’espaces « neutres » constitués par les nouvelles ‘Agora’ du monde (places publiques, salles de spectacles, chapiteaux, festivals, …), n’est absolument pas un artifice marketing ou superficiel, mais rejoint au contraire le cœur de l’expérience des apôtres à leur sortie du Cénacle après l’effusion de l’Esprit-Saint : les disciples chantent et « publient les merveilles de Dieu » tout en annonçant avec joie, conviction et de manière accessible et explicite le cœur et le trésor de la foi au Christ, ce qui conduit nombre d’interlocuteurs à être « stupéfaits », et à en avoir « le cœur transpercé ». Ceux-ci s’adressent alors aux apôtres pour les interpeller : « que devons-nous faire ? ». Cette questionnement personnel permet à l’Église d’entamer avec ses interlocuteurs d’autres étapes missionnaires essentielles : la catéchèse, l’apprentissage de la vie en chrétien, la vie sacramentelle et spirituelle, l’intégration à la vie ecclésiale (cf Actes 2).
Souvenons-nous des paroles des apôtres : « Je te chanterai au milieu de la grande assemblée » (He 2, 12), « Nations, louez toutes le Seigneur » (Rm 15, 9-13), « Chaque jour, d’un seul cœur (…) avec allégresse et simplicité, ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple. Et chaque jour le Seigneur adjoignait à la communauté ceux qui seraient sauvés » (Ac 2, 46-47)
Alors vous comprenez donc notre profonde conviction : assimiler la Pop-Louange à un simple marché musical pour faire du business (comme on vend des films, des brosses à dents ou des saucissons) nous semble résolument une vision très réductrice qui tourne en dérision et s’apparente à une caricature de ses desseins et ses enjeux. Seul intérêt de ce type d’assimilation : nous alerter effectivement pour que la Pop-Louange, tout au moins catholique, s’inscrive dans une démarche authentiquement missionnaire et conforme à la foi de l’Église. Pour cela, les critères de discernement sont faciles à établir, et un tel discernement ecclésial est nécessaire pour créer des « pare-feux » vis-à-vis de ceux qui pourraient la dévoyer en ne considérant effectivement cette musique qu’en tant que segment du marché musical à investir.
Ne négligeons surtout pas les contraintes ou les écueils de la Pop-Louange, ils sont bien réels, mais la question centrale est avant tout de saisir la vision de son objet : l’évangélisation des cœurs ! Alors, comme toujours, l’Église saura trouver les moyens de la mettre en oeuvre.
Alex LAURIOT PREVOST
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