
Quel est l’apport des papes à l’écologie, et de Benoît XVI en particulier ? Comment respecter la création et quel est le lien avec l’évangélisation ? Alors que Benoît XVI reçu par Nicolas Sarkozy à l’Elysée vient d’y revenir, nous avons interrogé Patrice de Plunkett, journaliste, auteur du livre l‘Ecologie, de la Bible à nos jours.
Extrait du discours de Benoît XVI : « Monsieur le Président, l’état de notre planète me préoccupe aussi. Avec grande générosité, Dieu nous a confié le monde qu’il a créé. Il faudra apprendre à le respecter et à la protéger davantage. Il me semble qu’est arrivé le moment de faire des propositions plus constructives pour garantir le bien des générations futures ».
Pour vous, l’écologie, c’est quoi ?
Une science et un engagement. C’est une science qui étudie tous les aspects de la vie sur Terre, les interactions des espèces et de leur environnement – interactions qui ne sont pas seulement physiques mais incluent les cultures, les spiritualités, les conceptions du rôle de l’homme dans la nature ! L’écologie est donc aussi humaine. Elle concerne notre art de vivre, nos diverses « façons d’être au monde », avec leurs impacts sur l’homme et l’environnement – qui dépendent de la forme des sociétés, de leur culture et de leur économie. L’écologie est donc aussi un engagement. Si les structures de notre société nuisent à l’homme et à l’environnement, alors il faut changer ces structures ! Et c’est un devoir pour le chrétien. En agissant ainsi, il témoigne de sa foi. Donc il évangélise….
Pourquoi ce livre l’Ecologie, de la Bible à nos jours ?
C’est une enquête pour en finir avec les idées reçues, qui brouillent l’esprit de beaucoup de chrétiens et de beaucoup d’écolos. Les écolos s’imaginent souvent que la Bible est la cause du saccage de la planète, à cause de trois versets de la Genèse : « Dominez la terre », etc… Or c’est l’inverse : la Bible fournit une raison, et même la Raison majeure, d’être écologistes ! (Grosse surprise pour la plupart des gens). D’autre part, les cathos français les plus « papistes » sont parfois sourds aux appels écologiques vibrants lancés par Rome. Cette surdité est anormale. D’où mon livre.
Quel est l’apport des papes à l’écologie ?
Jean-Paul II puis Benoît XVI ont remis en lumière la dimension « cosmique » de la foi chrétienne, et la responsabilité de l’homme, berger-jardinier-prêtre de la Création, envers le monde dont il fait partie. Cette prise de conscience germe dans toute l’Eglise, mais la planète chrétienne est spécialement à l’écoute de la papauté qui est son organe régulateur.
Et de Benoît XVI, en particulier ?
A Lorette en 2007, il appelle 500 000 jeunes catholiques italiens à prendre conscience de la menace qui pèse sur l’environnement : il les invite à se mobiliser avant que les dégâts ne deviennent irréversibles. Ce langage d’écologie radicale déconcerte les médias, qui voudraient que le pape ne parle que de morale sexuelle (dont il ne parle presque jamais) ! D’où le silence de la presse sur la dimension écologique et sociale de la pensée romaine. Mais le charisme intellectuel et spirituel de Benoît XVI est assez grand pour agir sans les médias. Et l’on voit en ce moment beaucoup de gens prendre conscience de ces problèmes, grâce à lui. Certains changements d’attitude sont même spectaculaires.
Le catholicisme a-t-il un déficit en matière d’écologie ?
Du retard sur les protestants, au XXe siècle. Mais ce retard commence à se combler. Et sur le plan théologique et philosophique, le catholicisme offre des ressources très riches à une pensée écologique chrétienne. Il n’y a qu’à puiser.
Promouvoir le respect de la planète, est-ce sur le même plan que défendre la vie, la morale chrétienne, ou s’occuper des pauvres ? Dieu nous confie toute sa Création dès les premières pages de la Genèse : ce n’est pas pour rien ! Ce ne sont pas des mots en l’air ! Il faut sortir de la dichotomie du stupide XXe siècle qui opposait la « morale » et le « social » ! Ces deux dimensions sont inséparables, comme le social est inséparable du spirituel. Lisez le Compendium de la doctrine sociale : l’économique, le social et l’environnement y occupent plus de place que les questions de morale familiale. Si les catholiques veulent évangéliser le XXIe siècle, ils doivent tout mettre dans le creuset commun et en faire jaillir un catholicisme renouvelé, enrichi, alliage de ces éléments que l’on avait à tort séparés et opposés.
Comment respecter la création, pratiquement, pour un chrétien ?
Dans la vie quotidienne, en pratiquant ce que Benoît XVI appelle « l’art de vivre chrétien », et que Soljenitsyne appelait « l’autolimitation radieuse ». Lire par exemple les directives du cardinal Martino pour la Journée mondiale du tourisme (27 septembre), appelant à une façon sobre de pratiquer voyages et vacances. Ou les nombreuses prescriptions de Jean-Paul II et de Benoît XVI contre la surconsommation du « matérialisme mercantile »… Il en a été encore question à la JMJ de Sydney. Quant aux dirigeants économiques et politiques occidentaux se disant chrétiens, qu’ils nous prouvent leur sincérité en changeant les choses ! Nous les regardons avec une impatience grandissante.
Comment les catholiques peuvent-ils participer à l’effort écologique ?
En s’informant, pour perdre leurs préjugés anti-écologiques (s’ils en avaient). Et en changeant leur façon de vivre, pour faire entrer le souci écologique dans leurs pratiques quotidiennes.
Faut-il désormais trouver un nouveau style de vie, une discipline faite de renoncements ?
Il s’agit plutôt de retrouver le vrai goût de la vie qui n’est pas dans la surconsommation ni dans l’égocentrisme, ni dans la docilité envers la pub. Relisons aussi Small is beautiful, le livre de l’économiste Fritz Schumacher, qui plaidait pour un retour à la dimension humaine. Il s’était d’ailleurs converti au catholicisme en lisant les textes sociaux des papes…
Quelle responsabilité a le parfait petit écologiste à l’égard de l’avenir des autres et de son propre avenir ?
Envers les autres, l’écologiste assume la responsabilité d’expliquer et de convaincre. Envers les générations futures, celle de leur transmettre un monde vivable. Envers lui-même, celle d’être lucide, sincère et cohérent. Surtout s’il est chrétien !
Quel lien faites-vous entre respecter la création et évangéliser ?
Le chrétien respecte la Création parce que le Créateur la lui a confiée. Ainsi le christianisme donne la raison majeure d’être écologiste. Nous sommes appelés à expliquer cette raison à qui nous la demande, selon la directive de la première lettre de Pierre : être toujours prêts à rendre compte – à qui nous la demande – de l’espérance qui est en nous…
Les écologistes ont-il quelque chose à envier au regard chrétien que l’on peut porter sur la création ?
Restons modestes vis-à-vis de ceux qui nous ont précédé dans ce combat ! Mais s’ils ne sont pas chrétiens, ils manquent la raison majeure dont je vous parlais. Et s’ils se veulent antichrétiens, ils sont dans l’incohérence, pour deux raisons. D’abord, parce que leur antichristianisme ne leur vient pas de l’écologie mais d’idéologies extérieures ; ensuite, parce qu’ils se retrouvent dans des positions en porte-à-faux, comme (par exemple) de refuser que l’on violente chimiquement la nature, mais d’accepter que l’on violente chimiquement l’être humain. Etc. Mais ils peuvent sortir de ces incohérences, notamment en dialoguant avec les écologistes chrétiens…
La création est-elle dévalorisée si nous n’annonçons pas Dieu comme son créateur ?
Sans la pensée du Créateur, la Création peut inspirer aux hommes émotions, attachement, compassion : mais elle manque de son véritable éclairage. Elle manque aussi de sa garantie transcendante.
Quel est le lien entre rédemption et création ?
En assumant la condition humaine, en naissant d’une femme, le Fils éternel se fait en quelque sorte « fils de toute la Création », ce qui réalise une unité inouïe entre celle-ci et son Créateur. D’où le passage de Paul disant, noir sur blanc, que la Rédemption et la promesse éternelle valent non seulement pour les hommes mais pour la Création tout entière ! C’est une dimension du christianisme qui est appelée à de plus grands développements, et qui sera un puissant vecteur d’évangélisation dans ce siècle.
La planète est-elle en péril de mort ?
On doit prendre au sérieux les avertissements des scientifiques, notamment des climatologues. Rien n’est plus odieux que le négationnisme d’Exxon devant la perspective de l’échauffement climatique. (Le cardinal Martino, lui, n’en rit pas !). Rien n’est plus scandaleux que la propagande de Monsanto disant que les OGM sont un bienfait pour l’humanité… Ce sont les slogans de l’argent. Ils sont irresponsables. Si nous laissons la machinerie productiviste continuer sur les rails où elle est depuis le XXe siècle, la Terre subira les dégâts irréversibles que Benoît XVI évoquait à Lorette.
Un saint d’aujourd’hui serait-il écolo ?
Les voies de la sainteté sont innombrables. Celle-là comme une autre… Mais je trouve admirable l’idée qu’avait lancée Jean Bastaire : fonder un tiers-ordre de « Petits Frères (et de Petites Sœurs) de la Création ». Un nouveau franciscanisme pour le XXIe siècle.

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