
Chaque été, le Festival d’Avignon attire des centaines de milliers de festivaliers en quête de spectacles : une occasion unique pour l’Eglise d’aller à la rencontre des hommes de ce temps. Cette année, 120 missionnaires sont venus de toute la France pour annoncer le Christ aux festivaliers, sans prosélytisme aucun. Un entretien avec Alex et Maud Lauriot-Prévost, coordinateurs de la Mission Chrétienne au Festival d’Avignon, paru dans France catholique.
France Catholique : Que recouvre le Festival d’Avignon aujourd’hui ?
Alex et Maud Lauriot-Prévost : Crée en 1947 par Jean Vilar pour développer un théâtre populaire sorti de ses écrins mondains parisiens ou élitistes, le Festival d’Avignon, partagé dans les années 70 entre le « In » (programmation officielle) et le « Off » (libre programmation des troupes) rassemble sur trois semaines en juillet près 1 million de visiteurs et 200 000 billets de spectacles sont vendus. Avec plus de 600 compagnies et 1000 spectacles in-door (en progression constante depuis les années 70) et des dizaines de spectacles de rue, et le tout de 10h à 2h du matin, ce festival est devenu la plus grande et la plus longue manifestation artistique estivale en France, le 1er festival de théâtre au monde. Bref, un vaste concentré franco-européen annuel du bouillonnement bigarré du monde culturel, artistique et de la pensée ; on ne s’y trompe pas, en voyant toute la presse nationale et internationale installant son camp de base estival en nos murs.
Comment est venue l’idée d’une mission pendant le festival d’Avignon ?
Dès la fondation du festival, l’Eglise catholique a saisi très rapidement les enjeux d’une présence chrétienne et l’opportunité de s’y investir. Mgr Robert Chave (1) et l’association « Foi et Culture » y animent donc depuis les années 60 des rencontres avec les artistes pour un dialogue entre l’art vivant de théâtre et la foi chrétienne. De longue date, la métropole ND des Doms et les églises de l’intra-muros sont ouvertes pour ceux qui souhaitent les visiter ou s’y recueillir. Notre archevêque, Mgr Jean-Pierre Cattenoz, a souhaité y ajouter voici 4 ans la dimension d’annonce et de témoignage de la foi auprès du public de ce festival.
Quel est le public du Festival que vous rencontrer durant cette mission ?
Même si on est en Provence, le public est sans doute bien différent de celui rencontré lors de missions de St Raphaël ou sur le Vieux Port de Marseille. Bronzer toute la journée ou rechercher les paillettes des People rebuteraient plutôt les festivaliers d’Avignon : ici c’est l’anti-Côte d’Azur pourrait-on dire !. L’attitude générale n’est donc pas vraiment la même, même si on retrouve finalement un public très varié. En général, le festivalier-type est un homme ou une femme cultivé, bien souvent en recherche sur le sens de la vie, la beauté ou l’innovation artistique, en réflexion sur l’homme avec tout ce que cela peut comporter. Ce public est donc a priori en éveil, curieux et à l’affût de l’air du temps, plutôt disponible pour engager un dialogue avec des gens différents, et même avec des chrétiens (!), oiseau devenu rare ces temps-ci (mais en voie de réapparition…). Le milieu culturel artistique reste encore très marqué par ses habitudes anticléricales ou allergiques au dogme, à l’Eglise, sa morale sexuelle, … : après les « affaires » de cet hiver, ça risque d’être encore un peu plus chaud cet été ! Mais à vrai dire, artistes et spectateurs sont de moins en moins réfractaire aux questions spirituelles et même aux questions de foi : lors de l’édition 2008, le festival « in » (financé par l’Etat…) avait organisé de véritables conférences catéchétiques très sérieuses sur le ciel, l’enfer, le purgatoire … par des éminents spécialistes de grande renommée ; c’est par centaines qu’un public curieux est venu participer à ces rencontres ! Impensable il y a même 10 ans !
Parlez-nous des objectifs et de l’organisation générale de cette présence de l’Eglise lors de ce festival
Les 2 objectifs assignés par notre archevêque sont complémentaires (et d’ailleurs s’interpénètrent dans le concret bien souvent) : dialoguer et écouter, témoigner et annoncer.
1. Accueil (2) des spectacles de théâtre explicitement chrétiens ou inspirés par l’Evangile, en mettant à leur disposition deux chapelles de l’Intra-Muros bien adaptées et très bien placées : Saint-Louis et l’Oratoire. L’Eglise réformée accueille également des spectacles au Temple Saint Martial. La Métropole Notre Dame des Doms et dans les églises du Centre Ville (l’intra-muros) plusieurs concerts de musique sacrée.
2. Accueil (3) des festivaliers des échanges culturels et religieux : l’association « Foi et Culture » anime ainsi les « Rencontres du Mardi du Festival », espace de débat et de dialogue avec des artistes à l’occasion des spectacles qu’ils produisent pendant le festival ; un espace d’accueil, d’information et d’échanges informel est aussi organisé à l’église Saint-Pierre, au pied du Palais des Papes
3. Un certain nombre de communautés religieuses, nouvelles ou anciennes, différents groupes de jeunes aux charismes et dons complémentaires, d’origine diocésaine ou d’ailleurs (4), sont aussi présents dans le cadre d’une vaste mission d’évangélisation durant 10 jours en plein milieu du festival (du 8 au 19 juillet). Par l’art, le spectacle, des expositions, le dialogue, la musique chrétienne, la prière, l’adoration, la louange ou l’intercession, ces communautés et ces groupes habitent 7 lieux de culte ouverts aux heures du Festival et jusque tard dans la nuit. Elles sont à l’écoute de tous ceux qui le désirent, témoignent de leur foi et proposent de nombreuses animations et spectacles chrétiens.
4. Tout au long du Festival, l’Eglise bien sûr continue à vivre et célébrer : c’est la vie normale de la paroisse de l’Intra-Muros et de la Métropole (les « Dimanches du Festival » dont une messe radiodiffusée sur France Culture) ; pour l’Eglise réformée, culte dominical habituel au Temple Saint Martial et pour nos frères orthodoxes, la divine liturgie se célèbre à la paroisse Saint Côme et Saint Damien.
Comme s’est mis en place et s’est développé ces dernières années le volet « évangélisation » de cette présence des chrétiens au cœur du festival ?
Avant tout, c’est Mgr Cattenoz qui a appelé puis envoyé, et c’est là un principe essentiel pour la fécondité de toute mission. Nombre de chrétiens d’Avignon ont répondu favorablement dès le début car ce projet était en gestation depuis des années. Il y a eu aussi la conjonction de l’arrivée sur le diocèse de plusieurs communautés nouvelles, de la création de la Communion St Jean-Baptiste qui toutes ont joué le jeu de la mission-festival, et ont trouvé que c’était une belle opportunité de missionner dans ce festival que beaucoup nous envient . Sont ainsi investis depuis les débuts la communauté Shalom, La Famille missionnaire du Dialogue de Dieu, les frères et sœurs Carmes messagers du Saint Esprit, les Carmélites de l’Enfant-Jésus et bien entendu des paroissiens du centre-ville, ses prêtres, mais aussi des séminaristes du diocèse, des laïcs du « grand Avignon ».
Jeunesse Lumière, qui est déjà venu réaliser 2 grandes missions diocésaines en 1999 et 2003, est arrivé pour le festival en 2007 : en relation avec des groupes de musique ou de prière de jeunes en France, ou avec le réseau Jeunesse 2000, JL est vient ici avec 40 à 50 jeunes missionnaires de tous horizons (dont 4 séminaristes d’un diocèse de la région parisienne par exemple) ; ils missionnent dans la rue et aux « Pénitents Gris ».
Nous sommes en discussion pour faire venir d’autres communautés : en 2009, à l’invitation de Mgr Cattenoz, la communauté Aïn Karim viendra à plus de 50 membres; avec son charisme si fort d’évangélisation et de prédication de rue, ils auront un boulevard durant le festival car ici le spectacle est autant dehors que dedans. Avignon, c’est une l’agora athénienne durant 3 semaines ! Nous sommes donc particulièrement heureux de les accueillir. Pour sa part, la communauté St Jean vient d’arriver sur le diocèse en septembre dernier et prend ses marques cette année ; elle va déjà nous donner un coup de main mais on ne doute pas qu’elle s’investira pleinement l’année prochaine.
Peu à peu donc, la « sauce » prend, le bouche-à-oreille fonctionne sur le diocèse et au-delà avec le concours si indispensable de l’Esprit-Saint, mais on est convaincu qu’on a encore rien vu ! Chaque année, Il nous surprend, Il nous émerveille ! Tant de monde cherche (souvent sans le savoir) la vraie source du Bonheur, un sens à sa vie : nous sommes envoyés pour proposer « l’eau vive qui étanche toute soif » ! Nous avons ainsi évalué à plus de 15 000 personnes qui participent à l’une ou l’autre des propositions de la communauté catholique durant cette quinzaine. Comme aime le dire le Père Paco (Cté FMDD d’Avignon) : « Jésus a dit : Allez annoncer l’Evangile dans le monde entier. A Avignon, chaque été c’est le monde entier qui vient dans nos murs : à nous de lui annoncer ici l’Evangile ! »
Pourquoi faire appel à des communautés nouvelles ? Les paroissiens « classiques » ne sont-ils pas concernés par le festival ?
Les paroissiens du Centre-Ville s’associent à notre effort missionnaire mais la tâche est immense vu les dimensions du festival et le nombre de ses visiteurs. Et pendant ce temps, la paroisse continue à vivre avec mariages, enterrements, visites aux malades et personnes âgées, etc… Il faut donc du renfort. Les communautés nouvelles s’associent à cette action missionnaire et épaulent donc la communauté chrétienne du Centre-Ville.. La présence de communautés extérieures au diocèse est aussi une opportunité car il y a tant de lieux à faire vivre et nous ne pourrions y faire face seuls au plan diocésain. Les paroissiens du centre ville expriment combien ils sont heureux de voir tous les jours près de 100 missionnaires participer à la messe paroissiale ; parlez-en au curé : cette mission « booste » sa communauté paroissiale pour toute l’année avoue-t-il !. Là encore, l’opposition communauté nouvelle et paroisse n’a pas lieu d’être lorsque tous sont tournés vers la mission, en respectant charismes et rôles de chacun; et, ici c’est le cas !
Comment unifier et coordonner toute cette diversité dans une même mission ?
Un point essentiel de la dynamique de la mission du festival semble en effet résider dans un certain équilibre trouvé entre communion et respect des différents charismes de chacun. N’est-ce pas là tout simplement l’expérience concrète du mystère de l’Eglise ? Ce n’est pas fortuit si notre archevêque préside les 2 célébrations de lancement et de clôture de la mission, qu’il envoie les missionnaires au nom de l’Eglise. La communion n’est pas théorique, elle est très concrète et se vit, se nourrit au travers de temps forts vécus ensemble chaque jour entre tous les missionnaires (120 à 140 cette année) : adoration puis messe à l’église St Pierre, déjeuner pris en commun à l’archevêché. Cette année, tous les missionnaires sont aussi invités par Mgr Cattenoz à participer à « l’Ecole de la Mission » organisée par JL depuis 2 ans en début d’après-midi avec toutes une pléiade d’intervenants différents, dont nombre de responsables des différentes communautés et des prêtres du diocèse. En fin d’après-midi et le soir, chacun vit ses propres missions, spectacles, accueils, … selon les charismes qui sont les siens et le lieu de mission qui lui a été affecté.
Qu’est ce que recouvre concrètement les propositions de cette mission ?
Mission de rue diverses (prédication, rencontre individuelles), accueil aux Pénitents Gris, à St Symphorien, à St Pierre, à St Didier, spectacle à la mission italienne, veillées de prière, visites « kérygmatique » des églises, « l’heure du conte » spirituel pour les enfants, adoration, visite d’une exposition sur le saint suaire, concert d’artistes chrétiens… et toutes sortes d’initiatives au gré de la créativité des missionnaires.
Parlez nous plus particulièrement du lieu que vous animez avec Jeunesse Lumière, dans ce lieu unique des « Pénitents Gris »
C’est en effet un espace exceptionnel de plus de 2000 m2 qui a été confié à Jeunesse Lumière : datant du XII° siècle, il est formé d’une chapelle dédiée à l’adoration, d’un grand jardin avec espace musical (chrétien) et un bar, d’une salle dédiée à une exposition sur le Saint Suaire, d’une Rotonde pour échanger et dialoguer, …; avec 100 m de façade et 2 entrées il est ouvert sur le « chaudron » du festival, la bouillonnante et médiévale rue des Teinturiers. Plus d’un millier de personnes nous rend visite chaque soir, et malgré 25-30 jeunes missionnaires et 2-3 prêtres sur le pont, on est parfois débordé : les questions fusent, les échanges sont multiples et souvent riches, la corbeille qui recueille les intentions de prière devant le Saint Sacrement déborde tous les soirs. Pour nous, c’est proprement dit un vrai festival missionnaire : impressionnant. Comme le dit le père René Luc5 dont la présence a été précieuse ces 2 dernières années à nos côtés : « D’habitude, en mission de rue, on pêche au lancer et les prises sont souvent maigres ; ici, en permanence on pêche au chalut dans une pisciculture ! »
Témoigner du Christ face à des inconnus qui ne vous demandent rien, n’est-ce pas un peu risqué ?
On ne vous cachera pas que parfois c’est chaud et délicat : comme cet acteur déguisé en pape qui a nous a fait toute un esclandre un soir, un chanteur anti-clérical et blasphématoire qui s’est installé plusieurs jours devant nos portes, des personnes qui agressent verbalement les missionnaires ou démontent durement leur témoignage, … ! Au final, la grande majorité est bienveillante au pire indifférente, mais c’est vrai que ce n’est jamais facile d’aller aborder les gens : nous avons notre pudeur, notre peur, nous sommes intimidés et ne voulons pas faire de faux-pas. Il faut constamment se rappeler que nous ne sommes pas des militants, mais des témoins, des envoyés : c’est Dieu le Patron, pas nous ! Dans les moments de doute et de peur, il est utile de se rappeler cette conviction de St Paul que « tout homme chacun aspire à connaître le Christ » même s’il l’ignore lui-même ; c’est là la vraie source du courage et de l’énergie du missionnaire dit Jean-Paul II, même si c’est parfois au prix de quolibets, d’injures, d’agressivité ou de larmes, de détresse partagée… : tant et tant de souffrances s’expriment de la sorte. Lors de telles situations, nous faisons parfois l’expérience de l’action géniale de l’Esprit Saint qui permet de faire jaillir de ces instants délicats des perles magnifiques.
L’Eglise a souvent mauvaise presse auprès des artistes et des comédiens. Pourquoi ?
C’est une longue histoire qui remonte à des querelles entre l’Eglise et les acteurs concernant ce qu’il était admis ou non de jouer sur scène lorsque les comédiens ont élargi leur répertoire au delà de la représentation des « mystères »… : c’est un peu comme l’affaire Galilée. Le Siècle des Lumières, la Révolution française et 2 siècles de laïcisme sont aussi passés par là, avec – il est vrai – de profondes maladresses et des crispations parfois très dommageables à certaines périodes de la part de clercs ou de Rome. Il reste des scories importantes dans l’inconscient collectif des artistes et du monde culturel, réactivé par des incompréhensions ou des maladresses de temps à autre. Mais il se trouve que les derniers papes depuis Vatican II ont redit avec fermeté et presque prophétiquement, ce que l’Eglise attendait de l’Art, ce qui nous uni étant cette primauté de la Beauté dans l’expression artistique, de cette recherche de la Vérité sur l’Homme… Il faudrait relire notamment la « Lettre aux Artistes » de JPII pour s’imprégner des convictions profondes et intuitions géniales de l’Eglise sur le travail artistique : c’est lumineux, dilatant ; le cardinal Barbarin, habitué de vos colonnes, a des paroles aussi très pertinentes sur ces questions. Cependant, soyons vigilant : l’Eglise aujourd’hui ne cautionne ni ne bénit toute œuvre qui se dit artistique (il existe de véritables délires, des supercheries, des œuvres-poubelles), mais il elle sait reconnaître dans nombre d’artistes, même incroyants ou agnostiques, la marque de la Vérité et de l’Esprit qui habite le cœur de tout homme, malgré tous les voiles de nos péchés ou de nos errances.
En quoi l’audace du pasteur – de l’évêque – est-elle primordiale pour mener à bien cette aventure ?
Nous avons déjà évoqué le rôle déterminant des évêques d’Avignon depuis le début du festival et de celui de Mgr Cattenoz, relayé très activement par le curé du centre ville, le père Olivier Matthieu. En Eglise, rien n’est possible ou presque sans l’impulsion de nos pasteurs et en particulier de l’évêque : c’est lui qui accueille, qui définit les objectifs, nous envoie en mission, nous exhorte, et relit avec nous ce que nous avons vécu. Cette expérience missionnaire singulière est très forte et il nous faut être accompagné par l’Eglise pour demeurer dans la grâce du Corps tout entier qui évangélise. Ainsi toutes les communautés contemplatives du diocèse sont invitées à prier pour notre action missionnaire ; l’Evêque leur écrit personnellement pour leur demander leur soutien, et toutes les personnes qui nous parrainent prient aussi pour les fruits de cette mission : c’est une grande force pour nous, et nous en avons tellement besoin, surtout lorsque la fatigue se fait sentir après 10 jours de mission tardive la nuit !
La crise récente mettant en cause Mgr Cattenoz ne remet-elle pas en cause ce projet missionnaire ?
Il parait que lorsqu’il y a crise, c’est signe de croissance ! Nous vivons dans le diocèse un temps d’ajustement et de mutation qui entraîne inévitablement des souffrances : c’est pour chacun de nous est un chemin et un appel à la conversion. La Croix, les blessures fraternelles font partie du quotidien du chrétien mais le plus important est de nous en relever avec le Christ, de faire confiance à l’Eglise : sans elle, où irions-nous ? Pour cela pas de meilleure pédagogie que de l’aimer davantage et de s’unir pour la mission : ceux qui investissent leur énergie au service du frère qui aspire à connaître le Christ mais ne l’a pas encore rencontré, voit souvent les dissensions s’estomper ou les blessures se guérir. L’investissement diocésain pour cette mission du festival ne pose pas de problème tant il est évident qu’elle s’impose à tous en raison de ces foules qui déambulent telles un « troupeau sans berger » ou un « peuple sans espérance » comme l’expriment Jésus et St Paul..
De plus en plus de projets missionnaires naissent à la faveur de l’été… Le temps de l’enfouissement est-il révolu dans l’Eglise de France ?
Sans doute ne faut-il pas opposer les deux démarches, mais c’est vrai que pendant 20 ou 30 ans, seul l’enfouissement semblait compter, on en connaît le bien triste bilan. Il ne faudrait cependant pas non plus prendre maintenant le contre-pied et n’être qu’en « visibilité » : on risquerait de manquer de racines et de vérité. Il y a donc un temps pour tout comme dit la Parole : s’enfouir au désert pour trouver Dieu, s’atteler sérieusement à notre conversion, puis parcourir les chemins des hommes pour témoigner, annoncer à temps et contre-temps le Dieu que nous avons contemplé et aimé : c’est un rythme semblable à celui de notre respiration, une alternance permanente pour donner le souffle et donc la vie. Il s’agit là d’un équilibre fondamental dans notre vie spirituelle. Tirant les erreurs du passé, de plus en plus diocèses en France nous donnent à nouveau la possibilité de vivre davantage cette alternance et c’est une grâce pour tous. Nous sommes heureux de participer à ce renouveau dans un diocèse particulièrement innovant en matière missionnaire.
Un couple peut-il vraiment s’engager dans la mission sur le long terme ? N’est-ce pas une tâche plus adaptée aux prêtres ou des religieux ?
De par son baptême et l’Esprit-Saint qui lui est donné, tout chrétien est « génétiquement » programmé pour annoncer ! Le Christ ne cesse de nous le répéter dans l’Evangile et Paul VI ne disait-il pas « L’Eglise est faite pour évangéliser » ? Il faut être dur d’oreille pour ne pas entendre cet appel constant à transmettre la joie de connaître le Christ et d’être sauvé ! Que l’on soit consacré dans le célibat ou dans le mariage, cet appel fait partie de notre nature de chrétien. Certes, la forme de l’annonce est particulière au Festival car elle s’adapte à une situation, un public, une ambiance très particulière qui nous demande de trouver des moyens spécifiques. Dans ce contexte, peut-être davantage qu’il y a 20 ou 40 ans, les personnes que nous rencontrons sont souvent touchées ou interpellées de voir des laïcs, des jeunes ou des couples prendre du temps sur leur vacances pour les écouter, rendre compte de « l’espérance qui est en eux », prier pour eux ou avec eux.
Les prêtres et les religieux font « leur boulot » comme nous disent les passants, mais les autres… cela leur pose effectivement question. A une époque où l’amour est tellement fragilisé, bafoué, la force du témoignage d’un couple uni dans le Christ peut vraiment refléter le vrai visage de l’Amour qu’est Dieu lui-même : malgré toutes nos fragilités qu’on connaît trop bien, comment ne pas se risquer alors à laisser l’Esprit utiliser notre voix, notre regard, notre amitié pour être simplement témoin de Celui qui est la source de l’amour qui nous fait tous vivre ?
Comment distinguez-vous évangélisation et prosélytisme ?
Ce qui fait la différence c’est l’attitude du cœur ! La mission est un débordement d’un amour qui nous « dévore » et qui nous sauve. Le prosélytisme s’apparente au recrutement, au racolage, à l’embrigadement pour un club, une idéologie, une secte ou un parti. Tout cela ne nous laisse pas libre, nous manipule, ne nous sauve pas, ne nous comble pas d’amour, ne nous remplit pas de compassion pour l’autre. Mais soyons lucides : les détracteurs des chrétiens et les médias ont la caricature facile car dès qu’on ouvre la bouche, on nous traite de prosélyte !. Par contre, jamais rien de tel pour les militants de la Gay Pride, du Planning Familial ou des Chiennes de Garde.
L’important en mission est d’avoir le feu et l’amour: si nous n’avons pas expérimenté la joie de la résurrection dans notre propre vie, et si nos entrailles ne sont pas retournées devant tant de contemporains « balancés à tous vents de doctrine, errant comme un troupeau sans berger » (St Paul), il nous sera effectivement difficile de vraiment évangéliser. Nous n’avons rien à vendre, rien à gagner, mais l’autre à aimer, à rencontrer, à soulager en lui indiquant la Source de toute vie. En quelque sorte, nous sommes comme sur le pont du Titanic, nous voyons tant et tant qui sombrent ou vont sombrer alors que nous l’immense chance – nous – de savoir où est le canot de sauvetage : nous n’avons pas droit de nous taire, encore faut-il l’indiquer, le proposer, même si ce doit être toujours fait avec beaucoup d’amour et de respect !
N’avez-vous pas l’impression d’être une petite goutte d’eau dans l’océan ?
Comme disait Mère Térésa : « je ne peux pas m’occuper de tous les mourants mais je commence avec celui qui est à ma porte… » ; on sait où cela l’a conduit. Certes, ce que nous faisons est infime mais nous savons aussi que pour nourrir 5000 hommes, il a fallu qu’un petit garçon donne son pique-nique à Jésus ! Sans ce pic-nique, pas de multiplication des pains pour Jésus aussi Fils de Dieu soit-il ! Si dans l’Esprit, nous parvenons à donner un peu de nos mains, de nos voix, de notre temps,… Jésus multiplie en abondance. En Avignon, au regard des témoignages, c’est par dizaines que les cœurs sont touchés chaque soir durant cette mission : alors ça encourage ! Merci Seigneur !
Même si une seule personne trouvait Dieu à l’issue de chaque semaine de mission, ce serait la justification de toute l’énergie déployée, même si ne l’apprenons que bien plus tard ! Une personne, c’est une vie changée, c’est un entourage touché, c’est un témoin de plus pour transmettre l’amour du Christ Ressuscité : il y a 15 jours, nous avons croisé une consacrée dans une communauté nouvelle perdue de vue depuis 27 ans ; adolescente en plein questionnement, elle avait participé à un rassemblement où nous avions témoigné comme fiancés : elle nous a partagé combien ce fut un temps très fort pour elle, un jalon déterminant vers le don de sa vie en Eglise qu’elle fera quelques années plus tard. Mystère de la mission et de la grâce : c’est Dieu qui donne tout !
Croyez-vous que des gens peuvent rencontrer Dieu au travers de telles missions ? Avez-vous de belles histoires à nous raconter ?
Nous n’avons jamais une claire vision de ce qui se passe réellement dans les cœurs, et heureusement finalement : cela appartient souvent à Dieu seul. Mais nous en avons des « indices » pourrait on dire : toute une série de témoignages rapportent combien de telles rencontres fortuites ont été déterminantes sur des chemins de conversion ou de retour à la foi, à l’Eglise après un échange dans la rue… Sur le site des « Pénitents Gris », nous collectons sur un « cahier de fioretti » les histoires des rencontres les plus frappantes pour faire mémoire de l’action si foisonnante de l’Esprit dans ces missions : notre chapelle avec l’adoration ne désemplit pas, les prêtres présents confessent, de jeunes enfants entendent parfois parler de Dieu pour la première fois de leur vie, les gens viennent confier et écrire des dizaines d’intentions de prière, certaines bouleversantes ; des artistes et metteurs en scène viennent aussi échanger ou se ressourcer dans notre jardin ou à la chapelle avant de jouer car – certains nous le disent – ils se sentent bien en ce lieu, apaisé, serein, et reprennent des forces. L’année dernière un « roi » qui arbitrait durant son spectacle le dialogue entre un rabbin et un prêtre venait chaque soir avant et après son spectacle : il s’y sentait bien. Un comédien a commencé un chemin vers le baptême suite à notre rencontre de cet été, des enfants sont retournés au catéchisme, des femmes ont retrouvé le chemin de l’Eglise (pratique et catéchèse), des jeunes ont un chemin catéchuménal… Jésus l’adit : la moisson est abondante.
Comment peut-on aider et accompagner cette Mission du Festival d’Avignon ?
Avant tout en priant pour cette mission, pour les missionnaires, pour les personnes rencontrées, pour les artistes qui se produisent. Vous pouvez aussi parrainer la mission et financer des « journées de mission »6 : chacune nous coûte environ 15 € par missionnaire ; des entreprises nous sponsorisent mais cela ne suffit pas et nous ne voulons pas peser sur les finances du diocèse.
Enfin, si des prêtres, des séminaristes, des groupes de prière ou des mouvements de jeunes (majeurs), des groupes de musique chrétienne (classique, louange, acoustique,… ?) sont motivés et se préparent à ce type de mission, qu’ils prennent contact avec « Mission Festival » (6) à l’archevêché d’Avignon. Si des compagnies ou des artistes professionnels veulent se produite durant le festival dans les lieux que l’Eglise réserve aux spectacles « chrétiens » ou fidèles aux valeurs et idéaux évangéliques, qu’ils fassent de même.
(1) Cf son livre témoignage: « Avignon, terre de rencontres » – Association « Foi et Culture », 49ter rue du Portail Magnanen, 84000 Avignon (176 pages, 12 €) (2) Tout au long du Festival (3) Idem (4) Dont Jeunesse Lumière, école catholique internationale de prière et d’évangélisation, bien connue de France Catholique depuis des années (5) Auteur de « Dieu en plein cœur », aux Presses de la Renaissance (6) Vous pouvez adresser vos dons à « Association Diocésaine d’Avignon – Chrétiens au Festival » BP 40050 – 84005 AVIGNON CEDEX 1 – ou faire un don en ligne sur le site du diocèse : www.diocese-avignon.fr
Plus d’infos sur le site du diocèse : Le programme
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