Pour Noël, l’association « Des Prêtres pour Toutes les Nations » propose une initiative originale : offrir un livre à votre curé, un prêtre ou un séminariste de votre choix. L’ouvrage Les vocations sacerdotales (1) a été publié en collaboration avec les éditions du Laurier, à l’occasion de l’année sacerdotale lancée par le pape Benoît XVI. Anuncioblog vous fait découvrir un extrait chaque semaine de l’Avent. Une question qui touche aussi celle de l’évangélisation, mission première de l’Eglise.
Dans le passage suivant, le père de Menthière souligne l’importance de revenir à une vraie compréhension de l’identité du prêtre pour mieux redynamiser les vocations.
Avant de faire des pastorales des vocations peut-être faut-il redéfinir la vocation de la pastorale. Qu’est-ce à dire ? Il s’agit de permettre aux fidèles de percevoir toujours davantage que leur baptême n’est pas une donnée initiale automatique, comme une dot de nature, mais bien un appel du Seigneur sur eux. La vocation baptismale comme la vocation sacerdotale est un appel gratuit de Dieu. Si le peuple chrétien ne voit plus quelle est l’identité du prêtre peut-être est-ce parce qu’il ne voit plus ce qu’est l’identité baptismale. « Dieu nous a sauvés et appelés d’un saint appel en vertu de son propre dessein » écrit saint Paul (2 Tm 1, 9). Les chrétiens sont « les appelés de Jésus-Christ » (Rm 1, 6). La vocation définit l’Église. Contrairement à l’armée française, l’Église sera toujours un peuple d’appelés, elle le porte jusque dans son nom grec, ek-kaleô, peuple de l’appel, convocation sainte. Qu’est-ce que l’Église à tout prendre sinon un gigantesque service des vocations ? « La vocation constitue, en un sens, l’être profond de l’Église, avant même son action. Le nom de l’Église, Ecclesia, indique que sa nature est liée en profondeur à la vocation, parce que l’Église est vraiment “convocation”, assemblée des appelés » (Jean Paul II, Pastores dabo vobis, 1992, n° 34)
Or un grand nombre de fidèles ne perçoit plus guère la vocation que comme une donnée extrêmement rare, qui ne saurait concerner que quelques êtres d’exception, marginaux inspirés.
(…) Il faut bien reconnaître qu’il n’y a plus, disponible, de modèle presbytéral bien défini. Même et peut-être surtout dans l’enseignement catholique, les jeunes ne rencontrent plus de prêtres. En tout cas plus de prêtre auquel ils puissent s’identifier. On assure l’animation « pastorale » avec des accompagnateurs laïcs, le prêtre est uniquement un référent, souvent épisodique et lointain. Je ne sais à quoi peuvent correspondre ces catégories nouvelles, monstres canoniques et théologiques : les prêtres référents, les prêtres attentifs, les prêtres accompagnateurs… Le Pasteur peut-il n’être qu’une sorte de prestataire de service, « l’automate du Mystère » qui marmonne dans le lointain des formules tout aussi inintelligibles en français qu’en latin. Comment le prêtre d’aujourd’hui peut-il mettre en œuvre harmonieusement les tria munera de son sacerdoce ?
• la prédication de la Parole,
• le ministère sacramentel,
• la conduite des fidèles.
L’articulation de ces trois éléments demeure une façon essentielle d’enrayer tout processus de sécularisation du ministère presbytéral. Or parfois, les laïcs s’habituent à une vie ecclésiale sans prêtre. Je voudrais citer l’anecdote suivante que je tiens d’un de mes amis, jeune prêtre dans un diocèse d’Ile-de-France. Dans la première paroisse où il fut nommé vicaire et aumônier de lycée, il était de règle que les laïcs présidassent les obsèques. Pour ne pas favoriser des « classes » d’enterrement la règle était appliquée avec beaucoup de rigueur. Un jeune du lycée vint à mourir. Jamais mon ami prêtre ne put obtenir de déroger à la sacro-sainte règle de sorte qu’il assista, impuissant et rageur, parmi les fidèles à l’enterrement de ce jeune qu’une paroissienne présida, fort bien d’ailleurs, me précisa-t-il. Le comble c’est qu’en rentrant au presbytère il trouva sur son répondeur un message de la paroissienne en question lui demandant d’aller faire les courses pour le dîner d’aumônerie du soir parce que « avec cet enterrement à préparer elle n’en avait pas eu le temps… » !
Faut-il vivre le célibat, faire sept ans de séminaire et être ordonné pour aller faire le marché tandis que les laïcs président la prière… L’anecdote est assez symptomatique me semble-t-il de la détérioration totale de l’idée de ce qu’est un prêtre. La seule définition du prêtre que l’on donne dans certains milieux ecclésiaux est la suivante : « un prêtre c’est un homme comme les autres… » Avouons que c’est légèrement insuffisant et que ça ne risque pas outre-mesure de donner l’envie d’être prêtre. Si nous ajoutons à cela qu’à l’extérieur des frontières visibles de l’Église, l’image du prêtre s’est dégradée parallèlement à celle du maire, de l’instituteur, du médecin ou des représentants de quasiment toutes les grandes institutions, vous comprendrez que le modèle sacerdotal a pratiquement disparu.
Le Concile Vatican II a mis l’accent sur le prêtre comme « homme de la Parole de Dieu ». Il présente – selon un ordre qui ne semble pas fortuit – les quatre manières pour les prêtres de servir la Parole. « Soit donc qu’ils aient parmi les païens une belle conduite (I) pour les amener à glorifier Dieu, soit qu’ils prêchent ouvertement (II) pour annoncer aux incroyants le mystère du Christ, soit qu’ils transmettent l’enseignement chrétien (III) ou exposent la doctrine de l’Église, soit qu’ils étudient à la lumière du Christ les problèmes de leur temps (IV), dans tous les cas, il s’agit pour eux d’enseigner, non pas leur propre sagesse mais la Parole de Dieu ». Il me semble qu’on pourrait appliquer cela à la pastorale des vocations. Pour que des jeunes puissent à travers l’identification à un prêtre ressentir un appel de Dieu, ne faut-il pas que le prêtre vive ces quatre dimensions ?
a. Une belle conduite : le témoignage de la cohérence du ministère et de la vie apparaîtra toujours comme un élément déterminant. Il faut des prêtres qui croient ce qu’ils enseignent et qui vivent ce qu’ils croient.
b. Prêcher ouvertement : l’annonce explicite de la foi a son correspondant du point de vue vocationnel dans l’appel explicite au sacerdoce. Il faut oser faire résonner l’appel.
c. L’enseignement chrétien : la nécessité d’une formation chrétienne qui donne aux fidèles une solide assise dans la foi se fait de plus en plus sentir. On œuvre pour les vocations en permettant aux jeunes de se rendre compte « de la solidité des enseignements qu’ils ont reçus » (cf Luc 1,4).
d. Les problèmes de leur temps : l’écoute attentive et le discernement des situations à la lumière du Christ trouvent leur lieu naturel dans l’accompagnement et la direction spirituels.
Ce n’est là bien sûr qu’une esquisse. Elle a pour but de nous montrer qu’il ne suffit pas pour une pastorale des vocations de travailler en amont dans une pastorale des jeunes courageuse et inventive. Il faut aussi et sans doute d’abord travailler en aval pour retrouver des formes de vie et de ministère des prêtres qui offrent une image forte et nette du presbytérat. Seuls, me semble-t-il, des contours bien définis du modèle sacerdotal ont quelque chance d’être attractifs. Le brouillard n’attire pas.
Père Guillaume de Menthière
Pour offrir ce livre à un prêtre, vous pouvez allez sur le site : www.dptn.org
(1) Présentation du livre et des auteurs :
Qu’est-ce qu’une vocation, où la trouver ? Comment la chercher ? Comment vivre heureux dans sa vocation ? Parce qu’ils ne baignent pas dans un environnement chrétien, souvent les jeunes ne savent pas ce qu’est un prêtre. Les 3 auteurs s’efforcent de répondre à ces questions et ouvrent la porte à une large réflexion pour montrer la beauté de la vocation et de la mission du prêtre dans la société d’aujourd’hui.
Monseigneur Tony Anatrella, est prêtre du diocèse de Paris. Psychanalyste, spécialiste de psychiatrie sociale, il est consulteur du Conseil pontifical pour la famille et du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé. Il est l’auteur de nombreux ouvrages.
Père Guillaume de Menthière, est curé de la paroisse St-Jean Baptiste de la Salle à Paris (15e). Il dispense des cours de théologie à l’Ecole Cathédrale. Auteur, il est également chroniqueur pour la revue Famille Chrétienne. Monseigneur Augustin Romero, est vicaire épiscopal, vicaire judiciaire et Président du Tribunal ecclésiastique de l’archidiocèse de Paris.
Encore un mot...
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Merci JB, tu me l’offres alors ?
Jean-Baptiste Maillard a écrit : Une belle conduite : le témoignage de la cohérence du ministère et de la vie apparaîtra toujours comme un élément déterminant. Il faut des prêtres qui croient ce qu’ils enseignent et qui vivent ce qu’ils croient.
Bonjour Jean-Baptiste, j’aime votre article du début jusqu’à la fin mais cette citation ci-dessus m’interpelle d’une façon spéciale.
C’est important pour les laïcs de mettre en pratique ce que nous témoignons comme c’est aussi important pour les prêtres de vivre ce qu’ils enseignent. En lisant votre citation la première des choses qui m’est venue à l’esprit, c’est le sujet du pardon ; normalement nous savons tous comment le prêtre en qualité de pasteur doit être très sensible à donner le pardon à l’Image du Pasteur des pasteurs. Pour moi un prêtre c’est un homme qui un jour rencontre le Coeur du Père de la miséricorde comme Pierre a rencontré Jésus après Sa Résurrection. Quand Jésus lui a demandé à trois reprises : Pierre, m’aimes-tu?
En trois oui Pierre s’est converti à l’Amour du Christ Ressuscité avec le désir profond d’être à l’Image du Seigneur Son Sauveur. Avant sa conversion Pierre voulait savoir combien de fois il devrait pardonner si son frère l’offensait? Il a même fait une suggestion à Jésus de 7 foi, ce qui sûrement lui paraissait énorme comme chiffre. Mais il dut être très surpris quand Jésus lui dit non pas 7 fois, mais 7 fois 70 fois 7 fois. Ce même Pierre qui par curiosité voulait savoir combien de fois il lui faudrait pardonner est aussi celui qui reniera Jésus par trois fois. Pierre le fragile pourra devenir fort en aimant comme Jésus, en pardonnant comme Jésus, et non comme Pierre l’avait pensé avant sa rencontre avec le Seigneur.
J’aimerais vous demander cher ami Jean-Baptiste, si vous croyez que le prêtre est vraiment conscient de la grandeur de sa mission comme apôtre du Christ dans le monde, lui qui fait découvrir l’Amour du Père à chaque fois qu’il va rencontrer un fils prodigue pour que chaque fils puisse entrer son coeur de pécheur dans le Coeur de la miséricorde du Père.
J’ai vécu comme laïc avec des religieux et des prêtres sur une étendue de 25 années et je sais par expérience que pour que le prêtre fasse découvrir la Personne du Christ à travers sa personne il faut que chaque prêtre suivre l’exemple de Pierre qui a fini par comprendre qu’il y avait une grande différence entre ses 7 pardons olympiques et le Pardon illimité de Jésus.
Pierre, m’aimes-tu? lui demanda Jésus par trois fois. Jésus ne lui a pas répondu : Pierre, je te l’avais bien dit que tu me renierais par trois fois!!! Dans cette question posée trois fois : Pierre, m’aimes-tu? Pierre a tout compris en commençant par sa pauvreté, sa pauvreté et fragilité. Pierre a enfin compris que sans Jésus il lui était impossible d’aimer et de pardonner. Pierre, m’aimes-tu? Pais mes brebis. Si une brebis tombe, n’oublie pas que tu es tombé, et pardonne et aime chaque brebis comme Moi Je t’Aime. Quand je pense au prêtre je pense à Jésus-Christ qui aime et qui pardonne. Nous savons que le prêtre au nom de Jésus-Christ a le pouvoir de pardonner les péchés. Ça, le prêtre le sait car il accorde ce pardon comme nous nous le savons parce que nous recevons le pardon dans le sacrement de la Réconciliation. Le prêtre bon pasteur en nous accordant le pardon de Dieu nous renvoie vers nos frères et soeurs pour qu’à notre tour nous les aimions comme nous avons été aimés et que nous leur pardonnions comme nous avons été pardonnés.
Quand nous parlons du pardon en lien avec la mission du prêtre, on en parle surtout en faisant le lien avec le sacrement du Pardon mais rarement en faisant allusion au pardon que nous devons nous donner après l’avoir reçu dans le sacrement de la Réconciliation. Quand nous entendons parler du prêtre comme du pardon, c’est presque toujours du point de vue de la sacramentalisation mais on développe très rarement le sujet du prêtre qui est mandaté par le Christ et son Église pour accorder le pardon et qui doit lui aussi le recevoir en allant vivre comme tous(tes) les chrétiens(nes) la réconciliation, en allant confesser ses péchés comme tous les autres pécheurs. En confessant ses propres péchés, il est lui aussi retourné dans le monde pour aimer et pardonner comme le Christ Lui-même l’a aimé en lui pardonnant ses péchés.
Question à Jean-Baptiste ou à d’autres internautes, en espérant que quelques prêtres prendront plaisir à répondre car il est rare que la question soit proposée dans une réflexion. Elle pourrait même aider certains prêtres qui ont de la difficulté à pardonner : Croyez-vous, Jean-Baptiste, que le prêtre d’aujourd’hui est aussi conscient que Pierre qu’il a la mission de pardonner à ses frères et soeurs en dehors du sacrement du pardon, autant qu’il a pour mission principale d’accorder le pardon dans le sacrement de la Réconciliation?
Dans la mesure où le prêtre connaît un cheminement spécial pour comprendre le »(pardon sacrement de Réconciliation) » je me suis souvent demandé si à travers sa formation de prêtre, on lui expliquait le désavantage que cela pourrait occasionner pour les chrétiens si un jour ceux-ci étaient témoins de le voir vivre une situation difficile où il refuserait de pardonner aux personnes qui lui ont fait du tort (?).
Personnellement j’ai toujours cru que si moi comme chrétien je dis aimer le Christ et sa Parole et que je refuse de pardonner, c’est comme si je refusais d’aimer comme le Christ. En refusant d’aimer et de pardonner je ne peux pas dire que j’aime le Christ puisque le Christ ne refuse jamais de m’aimer comme il ne me refuse jamais son Pardon. Mais en ce qui concerne le prêtre qui refuse de pardonner à un de ses confrères ou à un de ses collègues de travail, j’ai toujours l’impression que le prêtre se met beaucoup plus en situation difficile devant le peuple de Dieu comme devant Dieu Lui-même à cause de la grandeur de la mission qui lui est confiée par le Christ et Son Église, sans oublier que le prêtre a une formation spéciale qu’il reçoit tout au long de son ministère. Tout pour écrire que le mot le plus important qu’un prêtre ne devrait jamais oublier entre tous les autre mots, c’est le mot »comme ».
Le prêtre doit aimer comme le Christ, il doit pardonner comme le Christ, il doit regarder tous les hommes comme le Christ les regardait et les accueillait dans Son Coeur miséricordieux pour les conduire vers Son Père.