L’Europe attend une nouvelle évangélisation

Europe

En juin 2003, dans son exhortation apostolique Ecclesia in Europa, le pape Jean-Paul II invitait les chrétiens à s’engager en faveur d’un renouveau missionnaire : « Eglise en Europe, la nouvelle évangélisation est le devoir qui t’attend ! » (…) « En réalité, l’Europe se situe désormais parmi les lieux traditionnellement chrétiens dans lesquels, hormis une nouvelle évangélisation, s’impose dans certains cas une première évangélisation.» En ce temps d’élections européennes, voici plusieurs extraits qui nous rappellent que l’Europe attend surtout une nouvelle évangélisation vers nos contemporains éloignés de Dieu.

L’expérience du deuxième Synode pour l’Europe

L’approfondissement du thème de l’espérance constituait dès le début le but principal de la Deuxième Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques. Dernier des séries de Synodes de caractère continental tenus en préparation du grand Jubilé de l’An 2000, il avait pour buts d’analyser la situation de l’Église en Europe et de donner des orientations pour promouvoir une nouvelle annonce de l’Évangile, comme je l’ai souligné dans la convocation que j’ai rendue publique le 23 juin 1996, au terme de l’Eucharistie célébrée au stade olympique de Berlin.

L’Assemblée synodale ne pouvait omettre de reprendre, de vérifier et de développer ce qui était ressorti lors du précédent Synode consacré à l’Europe, qui s’était réuni en 1991, au lendemain de la chute des murs, sur le thème « Pour que nous soyons témoins du Christ qui nous a libérés ». Dans cette première Assemblée spéciale étaient apparues l’urgence et la nécessité de la « nouvelle évangélisation », dans la certitude que « l’Europe ne doit pas purement et simplement en appeler aujourd’hui à son héritage chrétien antérieur : il lui faut trouver la capacité de décider à nouveau de son avenir dans la rencontre avec la personne et le message de Jésus Christ ».

Neuf ans après, la conviction que « l’Église a le devoir pressant d’apporter à nouveau aux Européens l’annonce libératrice de l’Évangile » s’est présentée encore une fois avec sa force stimulante. Le thème choisi pour la nouvelle Assemblée synodale proposait encore, sous l’angle de l’espérance, le même défi. Il s’agissait donc de proclamer cette annonce d’espérance à une Europe qui semblait l’avoir perdue.

Défis et signes d’espérance pour l’Église en Europe
– L’obscurcissement de l’espérance

Cette parole est aussi adressée aujourd’hui aux Églises en Europe, souvent tentées par l’obscurcissement de l’espérance. En effet, le temps que nous vivons, avec les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque d’égarement. Beaucoup d’hommes et de femmes semblent désorientés, incertains, sans espérance, et de nombreux chrétiens partagent ces états d’âme. Nombreux sont les signes préoccupants qui, au début du troisième millénaire, troublent l’horizon du continent européen, lequel, « tout en étant riche d’immenses signes de foi et de témoignage, et dans le cadre d’une vie commune certainement plus libre et plus unie, ressent toute l’usure que l’histoire ancienne et récente a provoquée dans les fibres les plus profondes de ses populations, entraînant souvent la déception ».

À la racine de la perte de l’espérance se trouve la tentative de faire prévaloir une anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de penser a conduit à considérer l’homme comme « le centre absolu de la réalité, lui faisant occuper faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n’est pas l’homme qui fait Dieu, mais Dieu qui fait l’homme. L’oubli de Dieu a conduit à l’abandon de l’homme », et c’est pourquoi, « dans ce contexte, il n’est pas surprenant que se soient largement développés le nihilisme en philosophie, le relativisme en gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme cynique, dans la manière d’aborder la vie quotidienne ».16 La culture européenne donne l’impression d’une « apostasie silencieuse » de la part de l’homme comblé qui vit comme si Dieu n’existait pas.

Dans une telle perspective prennent corps les tentatives, renouvelées tout récemment encore, de présenter la culture européenne en faisant abstraction de l’apport du christianisme qui a marqué son développement historique et sa diffusion universelle. Nous sommes là devant l’apparition d’une nouvelle culture, pour une large part influencée par les médias, dont les caractéristiques et le contenu sont souvent contraires à l’Évangile et à la dignité de la personne humaine. De cette culture fait partie aussi un agnosticisme religieux toujours plus répandu, lié à un relativisme moral et juridique plus profond, qui prend racine dans la perte de la vérité de l’homme comme fondement des droits inaliénables de chacun. Les signes de la disparition de l’espérance se manifestent parfois à travers des formes préoccupantes de ce que l’on peut appeler une « culture de mort ».

L’inéluctable nostalgie de l’espérance

Mais, comme l’ont souligné les Pères synodaux, « l’homme ne peut pas vivre sans espérance: sa vie serait vouée à l’insignifiance et deviendrait insupportable ».18 Bien souvent, celui qui a besoin d’espérance croit pouvoir trouver un apaisement dans des réalités éphémères et fragiles. Et ainsi, l’espérance, emprisonnée dans un milieu purement humain fermé à la transcendance, est identifiée, par exemple, au paradis promis par la science et par la technique, ou à des formes diverses de messianisme, au bonheur de nature hédoniste procuré par le consumérisme ou au bonheur imaginaire et artificiel produit par des stupéfiants, à certaines formes de millénarisme, à l’attrait des philosophies orientales, à la recherche de formes de spiritualité ésotériques, aux divers courants du New Age.

Mais tout cela se révèle profondément illusoire et incapable de satisfaire la soif de bonheur que le cœur de l’homme continue à ressentir en lui-même. Ainsi subsistent et s’intensifient les signes préoccupants de la disparition de l’espérance, qui parfois se manifestent même à travers des formes d’agressivité et de violence.

Dans un contexte où l’on est facilement tenté par l’activisme, même sur le plan pastoral, il est demandé aux chrétiens en Europe de continuer à être un vrai reflet du Ressuscité, en vivant dans une communion intime avec lui. On a besoin de communautés qui, contemplant et imitant la Vierge Marie, figure et modèle de l’Église par sa foi et sa sainteté,49 gardent le sens de la vie liturgique et de la vie intérieure. Avant tout et surtout, elles devront louer le Seigneur, le prier, l’adorer et écouter sa Parole. Ce n’est qu’ainsi qu’elles pourront assimiler son mystère, vivant totalement pour Lui, comme membres de son Épouse fidèle.

La mission des laïcs

La participation des fidèles laïcs à la vie de l’Église est unique: le rôle qui leur revient dans l’annonce et le service de l’Évangile de l’espérance est en effet irremplaçable, car, « par eux, l’Église du Christ est présente dans les secteurs les plus variés du monde, comme signe et source d’espérance et d’amour ». Participant pleinement à la mission de l’Église dans le monde, ils sont appelés à montrer que la foi chrétienne est la seule réponse exhaustive aux interrogations que la vie pose à tout homme et à toute société, et ils peuvent implanter dans le monde les valeurs du Royaume de Dieu, promesse et gage d’une espérance qui ne déçoit pas.

L’Europe d’hier et d’aujourd’hui connaît une présence significative et l’exemple lumineux de telles figures de laïcs. Comme l’ont souligné les Pères du Synode, il faut évoquer entre autres, avec gratitude, le souvenir d’hommes et de femmes qui ont témoigné et qui témoignent du Christ et de son Évangile, par leur service de la vie publique et les responsabilités que celle-ci comporte. Il est d’une importance capitale « de susciter et de soutenir des vocations spécifiques au service du bien commun: des personnes qui, à l’exemple et avec le style de ceux qui ont été appelés “les pères de l’Europe”, sachent être les artisans de la société européenne de l’avenir, en l’asseyant sur les bases solides de l’esprit ».

La mission des laïcs

Il faut apprécier tout autant l’œuvre accomplie par des laïcs chrétiens, hommes et femmes, souvent dans une vie ordinaire et cachée, à travers d’humbles services qui leur permettent d’annoncer la miséricorde de Dieu à ceux qui sont plongés dans la pauvreté; nous devons leur être reconnaissants pour l’audacieux témoignage de charité et de pardon qu’ils donnent, évangélisant par ces valeurs les vastes horizons de la politique, de la vie sociale, de l’économie, de la culture, de l’écologie, de la vie internationale, de la famille, de l’éducation, de la vie professionnelle, du travail et de la souffrance.74 À cette fin, il est utile d’avoir des itinéraires pédagogiques qui rendent les fidèles laïcs capables d’un engagement de foi au sein des réalités temporelles. De tels parcours, fondés sur un sérieux apprentissage de la vie ecclésiale, en particulier sur l’étude de la doctrine sociale, doivent être en mesure de leur apporter non seulement la doctrine et le dynamisme, mais aussi les éléments spirituels adaptés qui soutiennent leur engagement vécu comme un authentique chemin de sainteté.

Nécessité et urgence de l’annonce

L’Évangile de l’espérance, remis à l’Église et assimilé par elle, demande que, chaque jour, on l’annonce et on en témoigne. Telle est la vocation propre de l’Église en tout temps et en tout lieu. Telle est aussi la mission de l’Église aujourd’hui en Europe. « Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse ».

Église en Europe, la « nouvelle évangélisation » est le devoir qui t’attend! Sache retrouver l’enthousiasme de l’annonce. Entends la prière qui t’est adressée aujourd’hui, en ce début du troisième millénaire, et qui avait déjà résonné à l’aube du premier millénaire, alors qu’apparaissait à Paul la vision d’un Macédonien qui le suppliait: « Traverse la mer pour venir en Macédoine à notre secours! » (Ac 16, 9). Que la prière soit inexprimée ou même refoulée, c’est l’appel le plus profond et le plus vrai qui jaillit du cœur des Européens d’aujourd’hui, assoiffés d’une espérance qui ne déçoit pas. Cette espérance t’a été donnée en partage pour que tu la redonnes toi-même avec joie à toute époque et sous toutes les latitudes. Que l’annonce de Jésus, qui est l’Évangile de l’espérance, soit donc ta fierté et ta raison d’être! Avance avec une ardeur renouvelée, gardant le même esprit missionnaire qui, tout au long de ces vingt siècles, en commençant par la prédication des Apôtres Pierre et Paul, a animé tant de saints et de saintes, authentiques évangélisateurs du continent européen.

Première annonce et annonce renouvelée

Dans différentes parties de l’Europe, une première annonce de l’Évangile est nécessaire: le nombre des personnes non baptisées grandit, soit en raison de la présence notable de personnes immigrées appartenant à d’autres religions, soit encore parce que les enfants de familles de tradition chrétienne n’ont pas reçu le Baptême ou à cause de la domination communiste ou d’une indifférence religieuse diffuse. En réalité, l’Europe se situe désormais parmi les lieux traditionnellement chrétiens dans lesquels, hormis une nouvelle évangélisation, s’impose dans certains cas une première évangélisation.

L’Église ne peut se soustraire au devoir d’un diagnostic courageux qui ouvre la voie à des thérapies appropriées. Même dans le « vieux » continent, il y a des aires sociales et culturelles étendues où est rendue nécessaire une véritable mission ad gentes.

Partout se fait sentir le besoin d’une annonce renouvelée, même pour ceux qui sont déjà baptisés. Beaucoup d’Européens d’aujourd’hui pensent savoir ce qu’est le christianisme mais ils ne le connaissent pas réellement. Souvent même, les notions et les éléments les plus fondamentaux de la foi ne sont plus connus. De nombreux baptisés vivent comme si le Christ n’existait pas: on répète les gestes et les signes de la foi, spécialement à travers les pratiques du culte, mais, à ces signes, ne correspondent ni un véritable accueil du contenu de la foi, ni une adhésion à la personne de Jésus. Aux grandes certitudes de la foi s’est substitué chez beaucoup un sentiment religieux vague et qui n’engage guère; des formes variées d’agnosticisme et d’athéisme pratique se diffusent, contribuant à aggraver l’écart entre la foi et la vie; certains se sont laissés influencer par un esprit d’humanisme immanentiste qui a affaibli leur foi, les poussant souvent, malheureusement, jusqu’à l’abandonner complètement; on assiste à une sorte d’interprétation sécularisante de la foi chrétienne qui la ronge et à laquelle s’ajoute une profonde crise de la conscience et de la pratique morale chrétienne.80 Les grandes valeurs qui ont amplement inspiré la culture européenne ont été séparées de l’Évangile, perdant ainsi leur âme la plus profonde et laissant le champ libre à de nombreuses déviations.

« Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre? » (Lc 18, 8). La trouvera- t-il sur cette terre de notre Europe de vieille tradition chrétienne? C’est une question ouverte qui indique avec lucidité la profondeur et le caractère dramatique de l’un des défis les plus graves que nos Églises sont appelées à affronter. On peut dire – comme le Synode l’a souligné – qu’un tel défi consiste souvent non pas tant à baptiser les nouveaux convertis qu’à conduire les baptisés à se convertir au Christ et à son Évangile: 81 dans nos communautés, il faut se préoccuper sérieusement d’apporter l’Évangile de l’espérance à ceux qui sont loin de la foi ou qui se sont éloignés de la pratique chrétienne.

Relire l’exhortation dans son entier : sur le site du Vatican

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1 réflexion sur « L’Europe attend une nouvelle évangélisation »

  1. Artemis

    « Nous te saluons, oh toi Notre Dame
    Marie Vierge Sainte, que drape le soleil
    Couronnée d’étoiles, la lune est sous tes pas
    En toi nous est donnée, l’aurore du Salut »

    Notre Dame de l’Europe, priez pour nous

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