Cantalamessa : « un grand acte de foi et d’espérance pour une nouvelle évangélisation »

« Allez dans le monde entier. La première vague d’évangélisation » : c’est le thème de la première prédication du Père Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison pontificale pour l’Avent 2011, donnée vendredi dernier au Vatican, en présence de Benoît XVI. Cette année, les prédications ont pour thème l’évangélisation. Dans celle-ci, le Père Cantalamessa est revenu sur la question de la nouvelle évangélisation, en soulignant qu’elle demande « un grand acte de foi d’espérance ».  Texte intégral.

L’Avent 2011 à la Maison Pontificale
Première prédication

La première vague d’évangélisation

En réponse au Souverain pontife qui appelle à de nouveaux efforts d’évangélisation et en préparation du Synode des évêques de 2012 sur le sujet, je me propose de déterminer, dans ces médiations de l’Avent, quatre vagues de nouvelle évangélisation, soit quatre moments qui, dans l’histoire de l’Eglise, ont été marqués par une accélération ou une reprise de l’engagement missionnaire. Voici ces moments :
1. Les trois premiers siècles de l’expansion du christianisme, jusqu’à la veille de l’édit de Constantin où les personnages clefs sont d’abord les prophètes puis les évêques;
2. les VIe-IXe siècles où l’on assiste, grâce aux moines, à une nouvelle évangélisation de l’Europe après les invasions barbares;
3. le XVIe siècle avec la découverte et la conversion au christianisme des peuples du « nouveau monde », par les religieux;
4. l’époque actuelle qui voit l’Eglise engagée dans une nouvelle évangélisation de l’occident sécularisé, avec la participation déterminante des laïcs.

A chacune de ces époques, je tâcherai de mettre en évidence ce que nous pouvons apprendre pour l’Église d’aujourd’hui: quelles sont les erreurs à éviter et les exemples à imiter et quelle contribution spécifique les moines, les religieux de vie apostolique et les laïcs peuvent apporter à cette évangélisation.

1. La diffusion du christianisme, aux trois premiers siècles
Commençons aujourd’hui par une réflexion sur l’évangélisation chrétienne aux trois premiers siècles. Il y a surtout une raison qui fait de cette période un modèle pour tous les temps. C’est l’époque où le christianisme se fraye un chemin en ne comptant exclusivement que sur ses propres forces. Aucun « bras séculier » n’est là pour le soutenir ; les conversions ne sont le résultat d’aucun avantage extérieur, matériel ou culturel; être chrétien n’est pas une habitude ou une mode, mais un choix à contre-courant, au péril même souvent de la vie. En un certain sens, cette situation est celle que les chrétiens connaissent aujourd’hui certaines régions du monde.
La foi chrétienne naît avec une ouverture universelle. Jésus avait dit à ses disciples d‘aller « dans le monde entier » (Mc 16, 15), de « faire des disciples dans toutes les nations » (Mt 28, 19), d’être ses témoins « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8), de « proclamer la conversion en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations » (Lc 24, 47).
L’application de ce principe d’universalité apparaît déjà dans la génération des apôtres, toutefois non sans difficultés ni déchirures. Le jour de la Pentecôte, la première barrière franchie est celle de la race (les trois mille convertis étaient de peuples différents, mais tous des prosélytes du judaïsme); dans la maison de Corneille et au Concile dit « de Jérusalem », surtout sous l’impulsion de Paul, c’est la barrière la plus tenace de toutes qui est franchie, la barrière religieuse qui divisait les juifs des païens. L’Evangile a désormais devant lui le monde entier, même si ce monde, selon la connaissance des hommes de l’époque, se limite au bassin méditerranéen et aux frontières de l’empire romain.
Suivre l’expansion concrète ou géographique du christianisme au cours des trois premiers siècles est plus complexe mais finalement moins nécessaire pour notre but. L’étude la plus complète, et toujours en vigueur, sur le sujet, est celle d’Adolph von Harnack, « Mission et expansion du Christianisme aux trois premiers siècles » .
Dans l’Eglise, l’activité missionnaire connaît une forte poussée sous l’empereur Commode (180-192) et puis dans la seconde moitié du IIIe siècle, c’est-à-dire à la veille de la grande persécution de Dioclétien (302). A part quelque persécution locale sporadique, ce fut une période où l’Eglise naissante, a pu se fortifier au plan interne et développer une activité missionnaire d’un genre nouveau.
Voyons en quoi consiste cette nouveauté. Au cours des deux premiers siècles, la propagation de la foi était confiée à l’initiative personnelle. Les prophètes itinérants, dont parle la Didaché, se déplaçaient d’un endroit à l’autre ; beaucoup de conversions étaient le résultat de contacts personnels, favorisés par l’exercice d’un même métier, par des voyages et des rapports commerciaux, par le service militaire ou d’autres circonstances de la vie. Origène nous offre une description émouvante du zèle de ces premiers missionnaires:
« Les chrétiens font tout leur possible pour répandre la foi dans le monde. Certains, à cette fin, se donnent formellement pour mission de vie, d’aller de ville en ville, mais aussi de bourg en bourg et de villa en villa pour gagner de nouveaux fidèles pour le Seigneur. Et l’on ne dira pas, je l’espère, que ceux-ci le font pour y gagner quelque chose, parce que souvent, ils refusent même d’accepter ce qui est nécessaire pour vivre » .

Maintenant, c’est-à-dire dans la seconde moitié du IIIe siècle, ces initiatives personnelles sont de plus en plus coordonnées et en partie remplacées par la communauté locale. L’évêque, ne serait-ce que par réaction face aux poussées destructrices de l’hérésie gnostique, arrive à prendre le dessus sur les maîtres, à jouer son rôle central dans la vie interne de la communauté, devenant aussi le moteur de son activité missionnaire. La communauté est désormais le sujet évangélisateur, au point qu’un expert comme Harnack, que l’on ne saurait soupçonner de sympathie pour l’institution, peut affirmer: « Nous devons tenir pour vrai que la seule existence et le travail constant de chaque communauté furent le facteur principal de la propagation du christianisme ».
Vers la fin du IIIe siècle, la foi chrétienne a pratiquement pénétré chaque couche de la société. Elle a désormais sa propre littérature en langue grecque et une autre, qui vient de commencer, en langue latine. Son organisation interne est solide. Elle commence à construire des édifices de plus en plus larges, signe que le nombre des croyants grandit. La grande persécution de Dioclétien, à part les nombreuses victimes, n’a fait que mettre en lumière la force désormais irrépressible de la foi chrétienne. Le dernier bras de fer entre l’empire et le christianisme en a donné la preuve.
Constantin ne fera, au fond, que prendre acte de ce nouveau rapport de force. Ce n’est pas lui qui imposera le christianisme au peuple, mais le peuple qui lui imposera le christianisme. Des affirmations comme celles de Dan Brown dans le roman : « Da Vinci code » et d’autres divulgateurs, selon lesquels Constantin, pour des raisons personnelles, aurait transformé, par un édit de tolérance et avec le concile de Nicée, une sombre secte religieuse judaïque en religion de l’empire, se fonde sur une totale ignorance de ce qui précéda de tels évènements.

2. Les raisons du succès
Une question qui a toujours passionné les historiens est celle des raisons du triomphe du christianisme. Un message né dans un coin obscur et méprisé de l’empire, au milieu de gens simples, sans culture et sans pouvoir, s’étend, en moins de trois siècles, au monde connu de l’époque, finissant par dominer la culture extrêmement raffinée des Grecs et la puissance impériale de Rome!
Parmi les différentes raisons de ce succès, certains insistent sur l’amour chrétien et l’exercice actif de la charité, jusqu’à faire de celui-ci « le plus puissant facteur, singulièrement pris, du succès de la foi chrétienne », au point d’induire, plus tard, l’empereur Julien l’Apostat à doter le paganisme des mêmes œuvres de charité pour s’opposer à un tel succès.
Harnack, pour sa part, donne une grande importance à ce qu’il appelle la nature « syncrétiste » de la foi chrétienne, c’est-à-dire à la capacité de concilier en soi des tendances opposées et les différentes valeurs présentes dans les religions et dans la culture de l’époque. Le christianisme se présente, en même temps, comme la religion de l’Esprit et de la puissance, c’est-à-dire accompagnée de signes surnaturels, de charismes et miracles, et comme la religion de la raison et du Logos intégral, « la vraie philosophie », aux dires du martyr St Justin. Les auteurs chrétiens sont « les rationalistes du surnaturel » , affirme Harnack en citant Paul et ses propos sur la foi décrite comme « l’adoration véritable » (Rm 12,1).
De cette façon, dans un équilibre parfait, le christianisme réunit en lui ce que le philosophe Nietzsche définit comme l’élément apollinien et l’élément dionysiaque de la religion grecque, le Logos et le Pneuma, l’ordre et l’enthousiasme, la mesure et l’excès. C’est ce que les Pères de l’Eglise entendaient, au moins en partie, avec le thème de la « sobre ivresse de l’Esprit ».
« Dès le début, écrit Harnack au terme de sa recherche monumentale, la religion chrétienne a révélé une universalité qui lui a permis d’assumer la vie tout entière, avec toutes ses fonctions, ses élévations et ses profondeurs, ses sentiments, ses pensées et ses actions. C’est cet esprit d’universalité qui a garanti sa victoire. C’est ce qui l’a conduite à professer que le Jésus qu’elle annonçait était le Logos divin … Une nouvelle lueur l’éclaire, et cette puissante attraction qui fait qu’elle est arrivée à absorber l’Hellénisme, à le subordonner à elle, se révèle presque comme une nécessité. Tout ce qui, d’une certaine façon, était encore capable de vie entra comme un élément dans sa construction… Comment une telle religion aurait-elle pu ne pas gagner ? »
L’impression que l’on a en lisant cette synthèse est que le succès du christianisme est dû à un ensemble de facteurs. Certains sont allés si loin dans la recherche des raisons d’un tel succès, qu’ils ont trouvé vingt causes en faveur de la foi et tout autant de causes allant en sa défaveur, comme si l’issue finale dépendait de la victoire des premières sur les secondes.
Je voudrais maintenant mettre en évidence la limite d’une telle approche historique, bien que celle-ci soit faite par des historiens croyants comme ceux que j’ai évoqués jusqu’à présent. Cette limite, due à la méthode historique même, est que l’on donne plus d’importance au sujet qu’à l’objet de la mission, aux évangélisateurs et aux conditions dans lesquelles celle-ci a lieu, plus qu’à son contenu.
La raison qui me pousse à le faire est que cette limite est aussi la limite et le danger que l’on retrouve dans beaucoup d’approches actuelles et médiatiques, quand on parle de nouvelle évangélisation. On oublie une chose très simple: que Jésus lui-même avait donné à l’avance une explication à la diffusion de son Evangile et c’est de là que l’on doit repartir à chaque fois que nous nous apprêtons à un nouvel effort missionnaire.
Réécoutons deux brèves paraboles évangéliques, celle du grain qui germe et qui grandit même la nuit et celle du grain de moutarde.
« Il disait: « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le fruit est prêt, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson » (Mc 4, 26-29).

Cette parabole, à elle seule, nous dit que la raison essentielle du succès de la mission chrétienne ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur, qu’elle n’est pas l’œuvre du semeur ni même du sol, mais du grain semé. Le grain ne peut se semer tout seul, mais c’est néanmoins automatiquement et de lui-même qu’il germe. Après avoir jeté le grain, le semeur peut bien aller se coucher, la vie du grain ne dépend plus de lui. Lorsque ce grain est « le grain tombé en terre et qui meurt », autrement dit Jésus Christ, rien ne saurait l’empêcher de « porter beaucoup de fruit ». On peut donner toutes les explications que l’on veut à ces fruits, celles-ci resteront toujours en surface, elles ne saisiront jamais l’essentiel.

L’apôtre Paul est celui qui, avec lucidité, a saisi la priorité de l’objet de l’annonce par rapport au sujet : « J’ai planté, Apollos a arrosé: mais c’est Dieu qui a donné la croissance ». Ces paroles semblent commenter la parabole de Jésus. Il ne s’agit pas de trois opérations ayant le même degré d’importance; l’apôtre ajoute en effet: « Donc celui qui plante ne compte pas, ni celui qui arrose; seul compte celui qui donne la croissance! » (1 Co 3, 6-7). La même distance qualitative entre le sujet et l’objet de l’annonce est présente dans une autre parole de l’Apôtre: « Mais ce trésor, nous, les Apôtres, nous le portons en nous comme dans des poteries sans valeur ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire ne vient pas de nous, mais de Dieu » (2 Co 4,7). Tout cela se traduit dans ces exclamations programmatiques: « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus Christ notre Seigneur ! » ; ou encore : « Nous prêchons le Christ crucifié ».

Jésus a prononcé une seconde parabole fondée sur l’image du grain qui explique le succès de la mission chrétienne et dont on doit tenir compte aujourd’hui, devant cette tâche immense qui consiste à réévangéliser un monde sécularisé.

« Il disait : « A quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre » (Mc 4, 30-32).

L’enseignement que le Christ nous donne par cette parabole est que son Evangile, sa personne même, est tout ce qu’il y a de plus petit sur terre car il n’existe rien de plus petit et de plus faible qu’une vie qui finit par une mort sur la croix. Pourtant, cette petite « graine de moutarde » est destinée à devenir un arbre immense, si grand que ses branches ont la capacité d’accueillir tous les oiseaux qui viendront s’y réfugier. Cela signifie que toute la création, vraiment toute, ira s’y réfugier.

Quel contraste par rapport aux reconstructions historiques évoquées plus haut! Là, tout paraissait incertain, aléatoire, suspendu entre le succès et l’échec ; ici, tout est décidé et garanti depuis le début! Dans l’épisode de l’onction à Béthanie, Jésus conclut par ces mots: « Amen, je vous le dis : partout où cette Bonne Nouvelle sera proclamée, dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire » (Mt 26,13). La même conscience tranquille qu’un jour son message aurait été diffusé « dans le monde entier ». Et ne s’agit, certes pas, d’une prophétie « post eventum », car à ce moment-là tout laissait présager le contraire.

En cela aussi, c’est Paul qui, entre tous, a le mieux saisi « le mystère caché ». Il y a un fait qui me frappe toujours : l’Apôtre a prêché à l’Aréopage d’Athènes et il a essuyé un refus du message, de façon polie, avec la promesse de l’écouter à une autre occasion. A Corinthe, où il s’est rendu aussitôt après, il a écrit sa Lettre aux Romains, y affirmant avoir reçu la tâche d’amener « toutes les nations à l’obéissance de la foi » (Rm 1, 5-6). L’insuccès n’a pas le moins du monde égratigné sa confiance dans le message : « Je n’ai pas honte, s’écrie-t-il, de l’Évangile, car il est la puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui est devenu croyant, d’abord le Juif, et aussi le païen” (Rm 1, 16).

« Chaque arbre, dit Jésus, se reconnaît à son fruit » (Lc 6, 44). Cela vaut pour chaque arbre, à l’exception de l’arbre sorti de lui, le christianisme (et en effet, il parle ici des hommes); il est le seul arbre qui ne se reconnaît pas à ses fruits, mais à sa racine. Dans le christianisme, la plénitude n’est pas à la fin, comme dans la dialectique hégélienne du devenir (« le vrai c’est le tout » ), mais elle est au début; aucun fruit, voire même les plus grands saints, n’ajoute quelque chose à la perfection du modèle. Dans ce sens, celui qui a affirmé que « le christianisme n’est pas perfectible » a raison.

3. Semer et …aller dormir

Ce que les historiens des origines chrétiennes ne retiennent pas, ou qu’ils jugent peu important, est cette incontrôlable certitude que les chrétiens de jadis, du moins les meilleurs d’entre eux, avaient de la bonté et de la victoire finale de leur cause. « Vous pouvez nous tuer, mais nous nuire, jamais », avait dit le martyr St Justin au juge romain qui le condamnait à mort. A la fin, c’est cette tranquille certitude qui leur a garanti la victoire, qui a convaincu les autorités politiques de l’inutilité de leurs efforts pour supprimer la foi chrétienne.

C’est ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui: réveiller chez les chrétiens, au moins chez ceux qui entendent se consacrer à cette nouvelle œuvre d’évangélisation, la certitude intime de la vérité de ce qu’ils annoncent. « L’Eglise, a dit un jour Paul VI, a besoin de retrouver le souci, le goût et la certitude de sa vérité » . Nous devons être les premiers à croire en ce que nous annonçons ; mais y croire vraiment. Nous devons pouvoir dire avec Paul: « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. Et nous, les Apôtres, animés de cette même foi, nous croyons, nous aussi, et c’est pourquoi nous parlons » (2 Co 4, 13).

La tâche concrète que les deux paraboles de Jésus nous confie c’est de semer. Semer à pleines mains, « à temps ou à contretemps » (2 Tm 4,2). Le semeur de la parabole qui sort semer ne se préoccupe pas qu’une part de la semence finisse sur la route et une autre part dans les ronces, et dire que ce semeur, hors de parabole, c’est Jésus lui-même! Car, dans ce cas, on ne peut pas savoir à l’avance quel terrain se révélera être bon, ou bien dur comme de l’asphalte et étouffant comme un buisson. C’est ici qu’intervient la liberté humaine que l’homme ne peut prévoir et que Dieu ne veut pas violer. Que de fois ne découvre-t-on pas que, parmi les personnes qui ont écouté tel sermon ou lu tel livre, celle qui l’a vraiment pris au sérieux et en a eu sa vie changée, c’était celle à laquelle on s’attendait le moins, qui se trouvait là par hasard ou à contrecœur. Je pourrais moi-même raconter des dizaines de cas.

Donc semer, et ensuite … aller dormir! Autrement dit semer et ne pas rester là tout le temps à regarder, quand cela pousse, où cela pousse, de combien de centimètres cela pousse chaque jour. L’enracinement et la croissance ne sont pas notre affaire, mais l’affaire de Dieu et de celui qui écoute. Un grand humoriste anglais du XIXe siècle, Jerome Klapka Jerome, dit que le meilleur moyen de retarder l’ébullition de la cuisson dans une casserole est de rester au-dessus et d’attendre avec impatience.

Faire le contraire est une source inévitable d’inquiétude et d’impatience : ce sont des choses qui ne plaisent pas à Jésus et qu’il ne faisait jamais quand il était sur terre. Dans l’Evangile, il ne semble jamais être pressé. « Ne vous faites donc pas de souci pour demain, disait-il à ses disciples. Demain se souciera de lui-même : à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6,34).

A ce propos, le poète croyant Charles Péguy met dans la bouche de Dieu des paroles sur lesquelles cela nous fait du bien à nous aussi de méditer:

« On me dit qu’il y a des hommes
Qui travaillent bien et qui dorment mal.
Qui ne dorment pas. Quel manque de confiance en moi !
C’est presque plus grave
Que s’ils ne travaillaient pas mais dormaient, car la paresse
N’est pas un plus grand péché que l’inquiétude …
Je ne parle pas, dit Dieu, de ces hommes
Qui ne travaillent pas et qui ne dorment pas.
Ceux-là sont des pécheurs, c’est entendu…
Je parle de ceux qui travaillent et qui ne dorment pas…
Je les plains. Je leur en veux. Un peu. Ils ne me font pas confiance …
Ils gouvernent très bien leurs affaires pendant le jour.
Mais ils ne veulent pas m’en confier le gouvernement pendant la nuit …
Celui qui ne dort pas est infidèle à l’Espérance … » .

Les réflexions faites dans cette méditation, nous encouragent, en conclusion, à mettre à la base de cet engagement pour une nouvelle évangélisation un grand acte de foi et d’espérance, à nous défaire de tout sens d’impuissance et de résignation. Nous avons devant nous, il est vrai, un monde enfermé dans son sécularisme, pris dans l’ivresse des succès de la technique et des possibilités qu’offre la science, réfractaire à l’annonce de l’Evangile. Mais, le monde qui se présentait aux premiers chrétiens – l’hellénisme avec son savoir et l’empire romain avec sa puissance – était-il par hasard moins réfractaire à l’évangile ?

S’il y a une chose que nous pouvons faire, après avoir « semé », c’est d’« arroser », par la prière, le grain jeté. Terminons donc sur cette prière que la liturgie nous fait réciter au cours de la Messe « pour l’évangélisation des peuples »:

Dieu, qui veux que tous les hommes soient sauvés
Et parviennent à la connaissance de la vérité;
Vois comme la moisson est grande et envoie des ouvriers,
Pour que l’Evangile soit annoncé à chaque créature
Et que ton peuple, rassemblé par la parole de vie
Et modelé par la force des sacrements,
Avance sur la voie du salut et de l’amour.
Par le Christ, Notre Seigneur. Amen.

Traduit en français par Zenit (Isabelle Cousturié)

 

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