L’assassinat des deux chrétiens tués lundi en sortant du tribunal de Faisalabad, au Pakistan, fait partie d’une stratégie de groupes islamiques extrémistes visant à miner les bases du dialogue interreligieux et de l’harmonie. C’est ce qu’a expliqué le P. Aftab James Paul, responsable de la Commission pour le dialogue interreligieux du diocèse de Faisalabad à Fides, l’agence d’information de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples.
« Nous sommes en train de renforcer les tentatives de dialogue avec les leaders religieux musulmans. Avant cette tragique affaire, le dialogue interreligieux était très développé à Faisalabad. Je crois qu’en distribuant du matériel blasphématoire attribué aux chrétiens et en tuant les deux frères, des groupes d’extrémistes ont agi avec l’intention précise de miner les bases du dialogue et de l’harmonie. Aujourd’hui, cela nous conforte de voir que de nombreux musulmans viennent dans nos églises pour nous manifester leur douleur et leur solidarité ».
Accusés de blasphème, Rashid Emmanuel et son frère, Sajid Emmanuel avaient été arrêtés le 2 juillet dernier. Les deux frères étaient acquittés, mais ils ont été abattus en sortant du tribunal, lundi dernier, 19 juillet. Un feuillet manuscrit, comportant de graves diffamations à l’encontre de l’islam et de Mahomet, circulait avec les noms et coordonnées des deux hommes en question. Mais l’enquête venait de prouver qu’ils n’en étaient pas les auteurs.
Des centaines de musulmans, suite à des appels à la violence lancés depuis les mosquées le vendredi 9 juillet, avaient déjà déferlé il y a quelques jours dans le quartier de Waris Pura, réclamant la mort des deux « blasphémateurs » et criant qu’ils allaient « donner des leçons aux chrétiens », selon ce que rapporte Minorities Concern of Pakistan.
Dans la nuit de mardi à mercredi, quelque 2000 militants islamistes armés ont à nouveau investi le quartier et l’ont saccagé, mettant le feu aux échoppes. Certains prédicateurs des mosquées environnantes auraient exhorté les musulmans à « combattre les infidèles ». Aucun blessé grave n’était à déplorer. Toute la nuit, quatre prêtres ont sillonné le quartier toute la nuit de mardi à mercredi pour exhorter les chrétiens à ne pas rentrer dans la spirale de la violence. « Nous sommes du Christ, nous aimons la paix, nous pardonnons à nos agresseurs » a indiqué l’un d’eux, le père Khalid Rashid Asi, vicaire général du diocèse de Faisalabad, selon des propos rapportés par Fides. « Ils étaient innocents, ils sont nos martyrs. Nous demandons seulement le respect, la paix, l’égalité des droits. Tant que la loi sur le blasphème sera en vigueur au Pakistan, nous ne sommes pas à l’abri d’autres épisodes aussi tragiques », ajoutait le père Khalid.
Fides souligne par ailleurs que plus de 60 militants islamiques ont été arrêtés et que l’enquête se poursuit pour trouver les assassins des deux frères. Elle ajoute que cet épisode de violence a soulevé des réactions dans la société civile qui, à travers diverses organisations dénonce « l’ambigüité du gouvernement et de la police pour ce qui concerne le respect des droits humains dans le pays ».
Selon la même agence, les chrétiens de Faisalabad, aux côtés d’organisations politiques, sociales et religieuses, ont annoncé qu’ils observeraient « sept jours de deuil pour commémorer les deux frères tués il y a deux jours, ‘victimes innocentes de la haine anti-chrétienne’ ». Le P. Aftab James Paul a déclaré qu’il y aurait des « prières spéciales pour la paix et des rencontres pour réactiver le dialogue interreligieux ».
Des centaines de musulmans, suite à des appels à la violence lancés depuis les mosquées le vendredi 9 juillet, avaient déjà déferlé il y a quelques jours dans le quartier de Waris Pura, réclamant la mort des deux « blasphémateurs » et criant qu’ils allaient « donner des leçons aux chrétiens », selon Minorities Concern of Pakistan, rapporte également un bulletin de l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED).
Les funérailles des deux chrétiens ont eu lieu hier
Célébrées par Mgr Coutts, archevêque de Faisalabad, 500 fidèles ainsi que quelques leaders musulmans ont assisté mercredi matin aux funérailles des deux nouvelles victimes de la loi anti-blasphème. Il a déclaré à l’agence Fides que les funérailles des deux chrétiens se sont déroulées « dans un climat de deuil, de souffrance et de grande tension émotionnelle ».
« J’ai dit aux gens que nous offrons le sang de ces innocents à Dieu avec le sang du Christ. Il servira pour notre salut et, espérons-le, pour guérir notre communauté de Faisalabad des maladies de la haine et de la violence », a-t-il souligné.
« Les deux frères étaient d’une famille catholique et tous deux avaient reçu le baptême dans notre Eglise. Récemment, l’un d’eux, Rashid, avait reçu, à travers une brève formation sur Internet, le mandat d’un groupe protestant pour prêcher la Bible », a-t-il expliqué.
Ces derniers jours, des centaines de musulmans avaient manifesté dans le quartier de Waris Pura, dans la banlieue de Faisalabad, où vivent plus de 100 000 chrétiens, encouragés par des associations intégristes, lançant notamment des pierres contre la façade de l’église catholique du Saint-Rosaire et demandant la mort des deux chrétiens.
Précédents au Pakistan
En 1994, Mansur Masih, un chrétien accusé de blasphème puis innocenté, avait été également tué à la sortie d’un tribunal à Lahore. L’an dernier, à Gojra dans la province du Punjab, sept chrétiens ont été assassinés pour le même motif. Un témoin avait déclaré que deux enfants, un frère et une soeur âgés de 6 et 13 ans, leurs parents et leur grand-père de 75 ans étaient morts brûlés vifs après avoir été enfermés dans leur maison par les assaillants, qui y avaient ensuite mis le feu. Bouleversé, Benoît XVI avait alors appelé à « renoncer à la violence au nom de Dieu. »
Des lois anti-blasphème controversées
Au Pakistan, blasphémer contre le Coran est passible de la peine de mort, où l’islam est la religion dominante. Les chrétiens, qui représentent moins de 3% de la population, dénoncent ces lois anti-blasphème, qu’ils estiment instrumentalisées contre eux.
« Nous demandons l’abolition des lois sur le blasphème, qui sont en contradiction avec les droits fondamentaux », avait alors déclaré l’évêque du diocèse de Karachi, Sadiq Daniel, ajoutant qu’ « aucun acte de blasphème des versets du Coran n’a été perpétré à Gojra, cela ne viendrait à l’idée d’aucun chrétien ».
Malgré le drame, un témoignage et une espérance
Sources : Fides, Zenit, AED, Libération