Nouvelle évangélisation : c’est l’oeuvre de la Parole de Dieu dans le coeur de chacun

Le père Mario Saint-Pierre était au XVIIe Séminaire des cellules paroissiales d’évangélisation à Milan du 9 au 12 mai dernier. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire France Catholique le 1er juin 2007, il y a rappelé que la Nouvelle Evangélisation est l’oeuvre de la Parole de Dieu dans le coeur de chacun. A l’heure même où se déroule le Ve Congrès pour la Nouvelle Evangélisation à Budapest, cette question est plus que jamais d’actualité.

Au colloque de Milan, vous avez fait une conférence pour démontrer qu’il n’y a pas de nouvelle évangélisation sans une « vision ». Que mettez-vous derrière ce mot ?

Au sens biblique, Dieu se manifeste dans des visions. Il parle à ceux qui deviennent ainsi prophètes. Il révèle sa volonté pour que son plan de salut se réalise à des moments précis. Dans son livre, Néhémie indique: « Je n’ai confié à personne ce que mon Dieu m’avait mis au coeur d’accomplir pour Jérusalem… » (Ne 2, 12). Il ne dit donc rien sur le mode de réception de sa vision. Mais, si on lit bien le premier chapitre de ce livre, on remarque que c’est dans la méditation de la Parole, dans la prière, dans l’écoute des événements, qu’il découvre la vision de Dieu. Ainsi, ce premier chapitre nous révèle comment dans une attitude spirituelle profonde, Néhémie se laisse toucher. Dieu lui révèle son dessein bienveillant, son projet d’Alliance et de Salut pour Jérusalem à travers la simplicité de la lecture méditée de la Parole et des signes des temps.

Qu’offre la vision de Néhémie pour une théologie de la nouvelle évangélisation ?

Ce qui est fascinant dans le cas de Néhémie, c’est de constater jusqu’à quel point une fois que la vision est accueillie, définie, communiquée, celle-ci peut se réaliser malgré un nombre incroyable de résistances. Une fois que la vision est accomplie, celle-ci devient source de renouveau, de bénédiction et de fécondité pour tout Israël. Le témoignage de Néhémie permet non seulement la reconstruction des murs, mais également le renouveau spirituel du peuple de l’Alliance. Le problème en pastorale aujourd’hui, c’est que nous surestimons les activités à court terme avec l’espérance de toucher des masses, alors que nous sous-estimons ce que nous pouvons faire avec quelques-uns, à long terme, dans une perspective visionnaire.

Y a-t-il des « visions » aujourd’hui ?

« Sans vision, le peuple périt » (Pr. 29,18). Mais l’auteur des Proverbes affirme immédiatement après : « Heureux l’homme qui médite la parole de Dieu ». Cela signifie que si nous voulons accueillir la vision de Dieu pour la reconstruction de sa communauté, de son Église, nous devons tourner nos regards vers sa Parole. Cette parole est vivante. Elle s’enracine au plus profond de notre coeur pour nous permettre d’accueillir la vision de Dieu. Tout projet pastoral, s’il est fondé sur la Parole est une vision pour l’Église, une vision fondée par le Christ mort et ressuscité. Alors l’Église peut croître et se multiplier.

De nombreux diocèses ne connaîtront aucune ordination sacerdotale cette année… Nous devons nous poser quelques questions: notre désir d’une Église en croissance est-il fondé bibliquement et théologiquement ? La croissance de l’Église primitive est-elle à nos yeux uniquement une étape historique de sa vie, une étape qui ne se reproduira jamais ? La Parole de Dieu nous donne de mieux comprendre pourquoi nous devons comprendre le dynamisme de croissance et de multiplication de l’Église comme une caractéristique qui lui est capitale, telle qu’elle est décrite dans les Actes des apôtres. À partir d’une réflexion biblique, nous pouvons saisir pourquoi il est essentiel d’adopter une vision de croissance pour tout projet missionnaire.

De quelle réflexion biblique parlez-vous ?

Paul VI écrit dans Evangelii nuntiandi : « Celui qui relit dans le Nouveau Testament les origines de l’Église, suit pas à pas son histoire et la regarde vivre et agir ; il voit qu’elle est liée à l’évangélisation par ce qu’elle a de plus intime. » (§-15). Les Actes des Apôtres présentent ce que certains exégètes appellent les « refrains de la croissance ». Une série de bilans indiquent une croissance de la communauté primitive. Ces bilans ont un sens théologique, spirituel et pastoral qui révèle un processus continuel de l’action missionnaire de l’Esprit Saint dont l’Église est à la fois le but et l’agent. Ce processus est le fruit de la Pentecôte et de la proclamation de Pierre : « Jésus est Seigneur ! » Le Ressuscité accomplit ainsi sa parole: « Vous serez mes témoins » (Ac 1, 8). On voit ainsi que la croissance du Corps du Christ réside dans le fait que la multiplication des disciples et des communautés dans un espace géographique de plus en plus grand se vit dans une profonde unité entre l’action de l’Esprit et la proclamation du salut.

Pourtant l’Église apostolique a subi de nombreuses persécutions ?

La persécution est aussi un facteur de croissance. Après la guérison de l’infirme au Temple et de son discours au portique de Salomon, Pierre est emprisonné avec Jean. Luc présente le bilan de cet événement : « Beaucoup parmi ceux qui avaient entendu la parole devinrent croyants et le nombre d’hommes était d’environ 5000 » (Ac 4, 4). Ce nombre nous rappelle la multiplication des pains où, là aussi, seuls les hommes avaient été comptés. C’est la dernière fois que Luc donne un nombre aussi précis. Dans les autres passages, la quantité de nouveaux croyants est tellement grande qu’il ne parvient plus à la dénombrer. Il faut aussi comprendre chez Luc la haute signification du mot Parole. Dès qu’elle est « entendue », elle agit, produit son fruit. Évoquons la parabole du semeur dans Lc 8, 4-15. Cet enseignement de Jésus nous permet de comprendre que la croissance de l’Église est intimement liée à la vitalité et à l’écoute de cette Parole de Dieu qui se répand. La croissance de l’Église est proportionnelle à la diffusion de la Parole proclamée. Luc constate que l’écoute de cette Parole dans un coeur généreux est déjà signe de fécondité et de multiplication.

La Parole de Dieu supplante-elle les difficultés de la mission ?

La Parole de Dieu ne supplante rien. Elle oeuvre elle-même en vue de la croissance de l’Église. Luc écrit « la Parole de Dieu croissait et se multipliait » (Ac 12, 24). Le mot « logos » (« parole ») chez Luc a une réelle consistance théologique: l’expression « Parole de Dieu » ou « Parole du Seigneur » utilisée 21 fois dans les Actes et 5 fois dans l’Évangile désigne la prédication de Jésus lui-même aussi bien que la prédication au sujet de Jésus. Dans les Actes, le « logos » est associé aux verbes accueillir, annoncer et écouter. De plus, Luc a tendance à personnifier le mot. Ainsi la Parole chez lui désigne tout aussi bien l’ensemble du message chrétien, que l’entreprise d’évangélisation, la personne du Christ ou encore la communauté de ses disciples. Dans le ministère de prédication, celui qui annonce et celui qui écoute sont donc tous les deux engagés mystérieusement et intérieurement dans un processus de conversion, d’adhésion, de transformation. Accueillir la Parole par la simple écoute, c’est déjà entrer dans une démarche de foi et être pris à son tour dans le filet de la prédication évangélique en changeant son propre coeur. Voilà comment la Parole de Dieu tombe dans la bonne terre. Dans la mission évangélisatrice de la première communauté chrétienne, la croissance est visible: l’Église augmente en nombre, tout en demeurant profondément, mystérieusement unie à l’unique Parole du Christ qui agit par elle-même.

Qu’en concluez-vous pour aujourd’hui ?

Les Actes des Apôtres nous font découvrir que la dimension quantitative de l’Église en croissance est assurée par un facteur spirituel et théologal : la Parole de Dieu. Le quantitatif ne peut pas être recherché pour lui-même, bien que la conviction du mandat missionnaire impose l’urgence d’atteindre tous les hommes pour qu’ils accèdent à la plénitude du salut dans la communion ecclésiale. C’est d’abord le soin pris par chaque disciple à vivre de la Parole de grâce qui permettra une réelle croissance. Si nous voulons réfléchir sur les principes d’une vie missionnaire aujourd’hui, notamment en paroisse, l’expérience des Actes des Apôtres est incontournable. « La Parole se multiplie » parce qu’elle est annoncée par des gens qui en sont habités.


Pour en savoir plus :

– Quelle assise théologique pour la Nouvelle Evangélisation ?
– Evangéliser en paroisse avec les cellules paroissiales d’évangélisation
– France Catholique

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