Présents à Ecclesia 2007, nous reproduisons ici l’homélie de la messe célébrée la semaine dernière à Pondichery en l’église Notre-Dame-des-Anges, par le père Shanti Das. Quel rapport avec la rencontre Ecclesia 2007 des catéchistes, réunissant ce week-end à Lourdes plus 7.000 participants ? Ou celle, au même moment et au même endroit, des 9.000 membres de l’Institut du Christ-Roi ? Si nous sommes tous missionaires, c’est justement que nous sommes tous prêts à annoncer l’Evangile aux jeunes et aux moins jeunes, sans complexes et sans détours, de façon kérygmatique.
Tous missionnaires !
L’Église célèbre aujourd’hui le dimanche des missions. Nous sommes invités à découvrir quelle mission l’Église désire nous confier. Notre paroisse de Notre-Dame-des-Anges existe depuis 1738 et elle a toujours eu un missionnaire curé. Le dernier était le père Jacques Dussaigne, qui nous a quitté le mois dernier, et pour la première fois depuis 269 ans que la paroisse existe, c’est un prêtre du pays qui est nomme curé. Il me semble que nous avons une dette de reconnaissance envers ces nombreux missionnaires qui ont œuvrés avec beaucoup de générosité et que c’est à nous chrétiens de cette paroisse, de prendre la relève et de continuer la mission.
En quoi chacun de nous ici présent, sommes-nous des missionnaires ?
La réponse consiste en deux convictions apportées par notre foi.
La première conviction, c’est que ma vie chrétienne est centrée sur l’expérience que Dieu m’aime, moi personnellement, d’un amour sans condition. Je suis précieux aux yeux de Dieu. Et en Jésus, Dieu m’offre son amitié. Ce n’est pas moi qui cherche l’amitié de Jésus mais c’est Jésus qui désire que je devienne son ami. Il nous a dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ». Dans le Livre de l’Apocalypse au chapitre 2, Dieu adresse une lettre aux chrétiens de Laodicée. Après avoir reproché leur tiédeur – il leur dit même, « je vous vomis », il ajoute : « tout ceux que j’aime je les corrige et je les discipline » et il termine par ces paroles magnifiques : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si tu ouvres la porte, je viendrai chez toi, je m’assiérai, moi à côté de toi et nous partagerons le repas ». C’est inouï : Dieu qui s’assoit à côté de moi et partage le repas de l’amitié. Voila ce que Dieu nous offre : un repas d’amitié ! Il est donc important que chacun de nous, même s’il est fort occupé, trouve chaque jour un moment pour s’asseoir dans un lieu tranquille, mettre son cœur en silence et partager avec le Seigneur le repas de l’amitié. L’Évangile que nous venons de lire nous dit que la persévérance est la qualité essentielle de la prière. Il faut donc que cette première conviction soit bien ancrée dans notre esprit : Jésus m’aime moi, d’un amour sans limite, et il a besoin de moi.
La deuxième conviction de notre foi est celle-ci : Dieu habite au cœur de tous les humains sans exception qu’il soit pauvre ou riche, éduqué ou ignorant, qu’il soit chrétien, hindoue ou musulman, qu’il soit juste ou pécheur, cela ne fait pas de différence pour Dieu. Il habite le cœur de chacun. Hélas, beaucoup ne le savent pas, ou bien à la suite d’expériences douloureuses ils ont rejeté la foi en la présence de Dieu dans leur cœur, et pourtant Dieu y est bien présent, et c’est là que Dieu a besoin de nous. Dieu compte sur notre amitié et il nous demande d’éveiller ou de réveiller, de faire grandir la conscience de sa présence au cœur de la vie de tous ceux que nous rencontrons. Il ne s’agit pas bien sûr d’aller prêcher, ça ne sert à rien. Ce qu’il faut, c’est approcher chaque personne rencontrée avec une qualité d’attention à sa présence, de respect et de bienveillance sans jamais passer au jugement. Et ainsi éveillé en elle, le sens de sa dignité de ce qu’elle est unique et aimée de Dieu.
Pendant des années comme infirmier j’ai soigné des malades atteints de la lèpre. Les cliniques se faisaient dans les villages au pied d’un arbre, on partait en vélo avec tout le matériel nécessaire dont un tabouret et une natte. Une de mes responsabilités était les soins des ulcères, presque toujours des ulcères aux pieds. Le malade devait s’asseoir sur le tabouret et je m’asseyais en face de lui sur la natte. Souvent les ulcères étaient sales, infectées et sentaient mauvais. Le malade se négligeait car il avait perdu sa dignité. Le réprimander ne servait à rien. Je nettoyais les plaies avec le plus grand soin en prenant tout mon temps et en adressant de temps en temps un regard au malade pour lui exprimer ma compassion et pour l’encourager. Toujours, je pensais à Jésus durant la dernière Cène lavant les pieds de ses disciples : Dieu qui s’agenouille devant sa créature. Si je réussissais à éveiller au cœur du malade le sens de sa dignité il collaborait et les ulcères guérissaient.
Il y a enfoui au cœur de tout homme un lieu où il est digne, respectable, où le mal, la maladie et le péché ne sont pas, où il est libre : c’est son esprit et c’est là que Dieu réside. Saint Paul dans l’Épitre aux Romains nous dit : « l’Esprit de Dieu s’unit à notre propre esprit. Celui qui a la chance de faire cette expérience découvre en lui un roc inébranlable sur lequel il peut bâtir sa vie ».
Ce n’est pas nous qui apportons Jésus car Jésus est déjà là. Par la qualité de notre rencontre, il nous ait demandé d’éveiller en chacun la conscience que Dieu habite en lui. C’est donc Dieu en notre cœur qui va à la rencontre de Dieu, au cœur de l’autre, afin que l’autre découvre que Dieu est source de vie et qu’il nous veut pleinement vivant. Dieu aime l’homme débout.
Voila les deux convictions qui nous font missionnaires. Ayons la délicatesse de dire « merci » à Dieu pour son amitié et mettons notre vie à sa disposition.
(Références bibliques : Ex 17, 8-13 ; Ps 120 ; 2 Tm 3, 14-4, 2 ; Lc 18, 1-8)
Source : CFRT – Jour du Seigneur
Encore un mot...
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Oui, nous sommes tous missionnaires, mais encore faut-il savoir comment…
Ce passage d’Evangelii Nuntiandi du pape Paul VI – que vous citez si souvent ! – nous éclaire : « La tâche d’évangéliser constitue la mission essentielle de l’Eglise. Le plus beau témoignage se révèlera à longue impuissant s’il n’est pas éclairé, justifié – ce que Pierre appelait donner « les raisons de son espérance » – explicité, par une annonce claire, sans équivoque, du Seigneur Jésus. La Bonne Nouvelle proclamée par le témoignage de vie devra donc tôt ou tard être proclamée par la parole de vie. Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés »
Un grand merci Guillaume pour cet important rappel!
Je me permets toutefois d’apporter un bémol en citant un autre Pape, notre bien-aimé Benoît XVI dans son Encyclique Deus Caritas Est (§ 31 c):
"La charité ne doit pas être un moyen au service de ce qu’on appelle aujourd’hui le prosélytisme. L’amour est gratuit. Il n’est pas utilisé pour parvenir à d’autres fins. Cela ne signifie pas toutefois que l’action caritative doive laisser de côté, pour ainsi dire, Dieu et le Christ. C’est toujours l’homme tout entier qui est en jeu. Souvent, c’est précisément l’absence de Dieu qui est la racine la plus profonde de la souffrance. Celui qui pratique la charité au nom de l’Église ne cherchera jamais à imposer aux autres la foi de l’Église. Il sait que l’amour, dans sa pureté et dans sa gratuité, est le meilleur témoignage du Dieu auquel nous croyons et qui nous pousse à aimer. Le chrétien sait quand le temps est venu de parler de Dieu et quand il est juste de Le taire et de ne laisser parler que l’amour. Il sait que Dieu est amour (cf. 1 Jn 4,8) et qu’il se rend présent précisément dans les moments où rien d’autre n’est fait sinon qu’aimer."