Euthanasie : l’avis d’un psychiatre de Libération

Sur son blog « Familles, je vous haime» proposé par le journal Libération, le psychiatre Serge Hefez (photo) donne son avis sur l’euthanasie. « Dans les années 30, raconte-t-il, une politique d’élimination des  » indésirables » dite politique d’euthanasie «Aktion T4» fut mise en place par les nazis : les malades mentaux étaient examinés par des commissions ayant le pouvoir de décider de leur mise à mort si leur état était jugé incurable. »

Des questions intéressantes, mais une conclusion ambiguë. Qu’est-ce qu’une bonne qualité de vie, au fond ? Une loi peut-elle être d’exception ? Que signifie une morale laïque ? Anuncioblog vous invite à réagir, ici et sur ce blog.

Devoir de vivre, droit de mourir

Légiférer sur le devoir de vivre ou le droit de mourir met notre société bien en peine. La dimension spirituelle, l’impact moral, éthique ou religieux que soulèvent ces questions divisent l’opinion, font surgir chez les parlementaires des clivages qui bousculent bien souvent les divisions traditionnelles de notre pays.

Il est dommage, mais sans doute inévitable, que ces questions se posent à l’acmé de mouvements émotionnels intenses, suscitant une compassion si forte que les réflexions prennent une tournure passionnelle et se brouillent.

Le calvaire surmédiatisé de Vincent Humbert aura toutefois permis en son temps d’adopter un cadre législatif, la loi Léonetti, permettant d’en finir avec les excès de l’acharnement thérapeutique et autorisant aux soignants des gestes jusqu’alors pratiqués dans le secret et la solitude.

La souffrance monstrueuse de Chantal Sébire a, quant à elle, remis sur le métier le débat sur l’euthanasie active, voire sur le suicide médicalement assisté. La farouche détermination de cette femme a montré qu’il persistait des situations rarissimes où la personne malade, malgré l’attention qu’on lui porte et les soins qu’on lui prodigue, pouvait réclamer qu’on la délivre d’une vie insupportable. Elle a fait évoluer le débat sur l’euthanasie active, mais a également souligné à quel point l’application concrète de la loi Léonetti était en souffrance : depuis trois ans, aucun ministre en charge de la santé n’a jugé nécessaire de mobiliser les administrations hospitalières pour traduire la loi en pratique dans les différents établissements de soins. Encore une fois, le législateur s’est bien vite désintéressé de l’application qui pouvait être faite de ses décisions.

Mais voici que, dans la foulée de cette triste histoire, survient l’acquittement d’une mère, Lydie Debaine, qui avait tué en 2005 sa fille Anne-Marie, 26 ans, gravement handicapée.

Cette jeune fille, née prématurément et atteinte d’une hydroencéphalite, était invalide à 90% et avait l’âge mental d’une enfant de 5 ans. Placée dans des centres spécialisés de 6 à 22 ans, elle avait rejoint la maison en 2001, faute d’une structure adaptée à son état. Son état s’était dégradé, crises d’épilepsie continuelles, vomissements, maux de tête, elle passait des jours et des nuits sans dormir, n’ayant que sa mère à son chevet pour s’occuper d’elle à chaque seconde. Le 14 mai 2005, contre l’avis de son mari, Lydie a noyé sa fille dans la baignoire. Cette fille dont elle pleure le manque aujourd’hui à l’énoncé du verdict. Ici encore, le cœur se brise à la pensée de ce huis clos dramatique. Personne ne peut humainement souhaiter l’emprisonnement de cette mère en souffrance dont la pire des sanctions, selon les mots de l’avocat général, est de vivre «avec la perte de celle à qui elle a consacré son amour et sa vie». Il n’en demeure pas moins que ce choix de l’acquittement plutôt qu’une peine de principe avec sursis interpelle l’interdit fondateur du meurtre dans notre culture et ouvre une bien dangereuse jurisprudence.

Comment penser toutes ces affaires, bien différentes dans leur contenu, au-delà des douleurs innommables qu’elles révèlent et de l’immense compassion qu’elles inspirent ?


Dans les années 30, une politique d’élimination des «indésirables» dite politique d’euthanasie «Aktion T4» fut mise en place par les nazis : les malades mentaux étaient examinés par des commissions ayant le pouvoir de décider de leur mise à mort si leur état était jugé incurable. Ce souvenir entache considérablement le terme d’euthanasie dont l’étymologie signifie «belle mort».

Ce qui fonde notre culture est que l’existence humaine possède une dignité absolue. Cette dignité s’oppose aux autres, mais peut aussi s’opposer à l’individu lui-même. La vie humaine a en soi une telle valeur, que l’individu ne peut lui-même en disposer totalement. Le professeur Goffi, spécialiste de bioéthique, rappelle ainsi que fut interdit le «lancer de nains», coutume ancestrale, réclamée par les protagonistes eux-mêmes, en tant qu’elle bafouait cette valeur fondamentale.

Ce même argument de dignité se retourne chez les partisans de l’euthanasie active en se centrant non plus sur la Vie en tant que telle mais sur la qualité de la vie. Ce sont la perte de l’autonomie, la dépendance aux autres ajoutées à la souffrance qui font perdre au sujet sa dignité et l’estime qu’il a de sa propre existence. On doit alors lui permettre de choisir la mort.

Jusqu’à quel point disposons-nous de notre propre vie, jusqu’à quel point avons-nous un pouvoir souverain sur notre propre existence, dans la limite des dommages que nous pouvons causer aux autres. Et si nous avons sur nous-mêmes une souveraineté absolue, jusqu’à quel point pouvons-nous faire intervenir autrui dans cette décision ?

Au-delà des cas dramatiques, des «situations d’exception», le vieillissement de la population comme l’exigence de plus en plus grande d’une bonne qualité de vie, vont engendrer des conjonctures de plus en plus fréquentes aux limites de ces questionnements.

L’évolution de la loi vers un nouveau droit à «mourir dans la dignité» ouvre un débat fondamental sur la morale laïque de notre démocratie. N’hésitons pas à nous en emparer.

Source : Familles je vous haime

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