Nul doute maintenant que le premier défi de l’Enseignement catholique – tout comme la catéchèse – est l’évangélisation. On apprend ainsi que le secrétariat général de l’Enseignement catholique vient d’envoyer à tous les chefs d’établissement un document dont tout le monde parle, intitulé Annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement. Une très bonne nouvelle, mais un chantier immense. Premiers éléments d’explication.
Les écoles chrétiennes : une responsabilité de la mission de l’Eglise
Face à la sécularisation de la société, comment faire une proposition explicite de foi dans les écoles chrétiennes ? s’interroge-t-on. Selon le secrétaire général de l’Enseignement catholique, Eric Delabarre, la conférence nationale de l’enseignement catholique élaborera d’ici à juillet 2009 « des orientations claires » et des instruments pour « aider » tous les établissements à « assumer pleinement leur rôle » : « En matière d’annonce explicite de la foi, explique-t-il, il y a une nécessité de donner des grandes lignes de conduite pour dire ce que l’on peut faire, ce que l’on doit faire et comment. Il ne s’agit pas de convertir les jeunes, mais de proposer pour les professeurs un témoignage de croyant ». D’où ce document Annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement qu’il vient d’envoyer à tous les chefs d’établissement, sur lequel nous aurons tout le loisir de revenir.
Dans un entretien donné sur le site de la Conférence des évêques de France, il répond à la question de savoir quelle part prend l’Enseignement catholique dans l’évangélisation (lire ici) : « Tout élève proche ou éloigné de la foi a le droit d’entendre que Jésus-Christ peut être un chemin pour lui s’il exerce sa liberté responsable. (…) L’annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement montre une vraie prise de conscience de l’importance de satisfaire le droit des parents et des enfants à entendre cette annonce dans le respect des libertés de chacun. Dans le cas contraire, l’Enseignement catholique ne répondrait pas à la mission qui lui a été confiée. Il ne suffit pas de vivre l’Evangile à l’intérieur de nos établissements, même si c’est bien et nécessaire. Il faut dire au nom de quoi nous vivons. Et c’est un défi ! »
Comment évangéliser à l’école ?
Dire au nom de quoi nous vivons n’est pas suffisant… si, justement, l’annonce n’est pas explicite, autrement dit si le kérygme n’est pas offert librement dans le cadre d’une première annonce (lire ici une définition de l’annonce explicite et de la première annonce). Ainsi, pour être crédible, le témoignage de vie des enseignants et catéchistes doit être en adéquation avec la Parole de vie annoncée. On ne peut donc faire l’économie de l’amour porté par les enseignants et catéchistes envers les enfants, d’où l’urgence de réfléchir à de nouvelles méthodes éducatives, qui sans laxisme, permettent de respecter l’enfant dans toutes ses dimensions (affectives, psychologiques, spirituelles…) et donc de l’aimer vraiment. Il faut alors des enseignants et catéchistes à la fois exemplaires dans leur conduite et qui, vivant avec le Christ, souhaitent le faire connaître aux enfants qui leur sont confiés. Donc espérer de tout son coeur évangéliser les enfants, tout en respectant leur liberté.
La question du « caractère propre »
On souhaite aussi « garder le caractère propre » des 5.000 écoles catholiques que compte l’Hexagone. Si l’on ne s’attache qu’à la seule identité de ces écoles, c’est une entreprise qui court de le risque de se cantonner à vouloir simplement transmettre aux enfants un savoir, un enseignement chrétien (qui est Jésus ? que dit la Bible, etc.), donc une catéchèse purement théorique. Là se posent de nombreuses questions : qu’est-ce qui distinguerait un cours de musique d’un « cours » de caté ? Comment les élèves seraient-ils plus motivés de participer à ce dernier ? Quelle est la place de la prière à l’école ? On s’aperçoit vite que si une rencontre personnelle avec Jésus n’a pas été vécue chez l’enfant, il sera beaucoup plus difficile – voire presque impossible – de lui apporter une formation spirituelle, d’autant plus si le catéchisme revêt un caractère obligatoire, au même titre qu’un autre « cours ». Il paraît donc indispensable de distinguer les enfants croyants des non-croyants, les premiers pour les instruire et nourrir leur foi, les seconds pour leur proposer cette annonce explicite, dans le but de rencontrer le Christ.
Une prise de conscience qui n’est pas nouvelle
C’est un peu ce qu’espérait Mgr Jean-Pierre Cattenoz, quand il demandait, dans une charte pour l’enseignement catholique qu’il avait lancée pour son diocèse en 2006, de « remettre le Christ au centre ». Il avait alors proposé d’ organiser un Grenelle de l’enseignement catholique, dans l’optique de réfléchir tous ensemble pour proposer aux jeunes une première annonce de la foi. (A ce sujet, lire aussi un entretien qu’il nous a accordé, et paru dans Dieu est de retour, publié cet été aux éditions de l’Oeuvre – voir ici).
La nécessité d’évangéliser à l’école, c’est aussi ce que rappelait le secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique quand il a invité, le 15 janvier dernier, les responsables de l’Eglise à ne pas perdre de vue que l’école catholique pourrait devenir « dans une société toujours plus sécularisée, le seul lieu de contact avec le christianisme », rappelant ainsi comme bien d’autres le rôle important de l’école catholique dans l’évangélisation des jeunes (lire ici).
Une question qui touche aussi la catéchèse
C’est encore ce que demandait Benoît XVI aux participants du congrès Ecclesia 2007 sur la catéchèse : « A l’imitation de son Maître et Seigneur, l’Eglise est invitée à mettre en oeuvre une pédagogie d’initiation, prenant acte que nous sommes dans un monde où la culture chrétienne tend à s’effacer. Il s’agit de conduire le croyant au coeur de la foi et de le faire entrer dans un dialogue intime et un échange d’amour avec le Christ-Jésus » (lire ici).
Un congrès qui avait révélé, entre autres signes, le syndrome d’une mutation difficile de l’Eglise en France pour retrouver une dynamique missionnaire pertinente au plan de la foi et efficace au plan apostolique. (A ce sujet, lire le billet d’Alex et Maud Lauriot-Prévost).
Un chantier qui gêne certains
Au même moment, on apprend qu’un syndicat vient de se créer au sein de l’Enseignement catholique, dont l’un des objectifs affichés et de défendre une certaine interprétation de la laïcité à l’école. Ainsi a-t-on pu lire sur le mur d’informations d’une école chrétienne de la région parisienne : « pourquoi un nouveau syndicat ? (…) défendre la laïcité : pas de discriminations sur la base de convictions religieuses, notamment lors des recrutements, refus de tout communautarisme ; les compétences professionnelles et le respect de la liberté de conscience de chacun sont les garants d’une éducation de qualité. L’éducation à la tolérance est une garantie pour la démocratie et la paix pour tous. » La question de la formation chrétienne des enseignants, telle qu’elle avait été posée par Mgr Cattenoz lors d’une récente assemblée plénière des évêques de France à Lourdes, reste donc toujours d’actualité.
Le privé se voit réduire ses subventions
Enfin, face au succès du privé, qui ne connaît pas la crise malgré un coût élevé pour les parents, le gouvernement a décidé de réduire les subventions publiques accordés à l’Enseignement catholique, l’enseignement public devenant favorisé. Ainsi, lundi dernier, est passée de façon presque inaperçue la loi Carle, qui modifie le financement des écoles privées. « Nous considérons que cette loi ne nous est pas spécialement favorable, mais qu’il s’agit d’un bon compromis politique à l’instant T », a déclaré Eric Delabarre. « Le bon sens, la sagesse, le souci de ne pas rouvrir une quelconque guerre scolaire nous ont conduit à accepter le compromis politique qui nous était proposé », a-t-il dit. « Cette loi est étonnamment présentée comme si elle avait pour objet d’étendre le financement des établissements privés, alors qu’elle a au contraire pour objet de le limiter ». Le forfait communal, prévu par l’amendement Charasse en 2004, est l’obligation faite aux communes de participer aux coût des études des enfants domiciliés dans leur commune et scolarisés ailleurs, dans le public comme dans le privé. La loi Carle restreint l’application de ce principe, puisqu’elle ne prévoit plus le versement du forfait communal que dans quatre cas : lorsque les capacités d’accueil de la commune de résidence sont insuffisantes, en l’absence de garderie ou de cantine, pour des raisons médicales, ou en cas de rapprochement de fratrie. (Source : La Croix/AFP).
La bataille ne fait donc que commencer !
Sur le web :
– Le document Annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement, mis en ligne sur le site du diocèse d’Evry
– L’excellent billet que Patrice de Plunkett a publié sur la question.
– L’article de La Vie
– L’article de La Croix
– L’article du Figaro
Encore un mot...
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J’ai parcouru rapidement le fameux document. En gros, c’est la fin de « l’enfouissement ». L’orientation est bonne, un travail énorme a été fait par Eric de Labarre, en réponse à une volonté forte des évêques depuis plusieurs années (ils l’ont nommé pour faire cela). Mais Dieu que ce sera long ! Le principal obstacle à un enseignement catholique qui soit vraiment catholique, notamment au collège et au lycée, ce sont les professeurs. Une minorité est susceptible d’adhérer au nouveau projet. Il est si difficile de réformer des habitudes qui conviennent parfaitement au plus grand nombre des enseignants. Je crains qu’il ne faille attendre que la génération actuelle passe pour appliquer efficacement ce programme. En attendant, il faut miser sur le recrutement et la formation des nouveaux enseignants et que les familles catholiques qui ont encore l’énergie de se battre au sein de ces établissements soutiennent vigoureusement la démarche. En parallèle, je crois beaucoup au développement des écoles de parents, qui sont en plein « boom ». Les familles sont les premières responsables de l’éducation de leurs enfants, elles doivent prendre les choses en main, dans un esprit de liberté.
Par ailleurs, je serais curieux de connaître les résultats obtenus par Mgr Cattenoz en Avignon, avec sa charte de l’enseignement catholique, qui est une anticipation un peu plus « musclée » de la nouvelle orientation de l’enseignement catholique. A-t-il réussi à infléchir les choses ?
Quoi qu’il en soit, merci Mr de Labarre et courage !
Afin d’offrir une réponse concrète, venez soutenir la création d’une école catholique dans le Nord.
En effet, je souhaite vous faire part de la création en septembre dernier d’une nouvelle école primaire hors-contrat catholique (maternelle à CM2), l’Ecole du Blanc-Mesnil, située à Wasquehal, dans la banlieue lilloise.
Vous êtes tous chaleureusement invités le 15 novembre à 15h30 en l’église Saint-Nicolas de Wasquehal (à coté de la mairie) à un Concert unique gratuit autour de Bach, Mozart, Poulenc mais aussi Offenbach ou Gershwin…
Ce concert a pour but de faire connaître cette école et de lever des fonds, afin notamment de financer les nécessaires investissements et des bourses pour les familles les plus dans le besoin.
Le concert nous est offert par des artistes lyriques et pianistes de très grand talent.
L’entrée est libre : un chapeau circulera toutefois si vous souhaitez soutenir cette nouvelle Ecole, qui vous sera présentée par sa directrice en présence des élèves (ils chantent tous en première partie).
Si vous avez besoin d’informations complémentaires n’hésitez pas à nous contacter: huguesdepommereau@yahoo.fr
Question? Comment peut-on demander, aujourd’hui comme hier à l’enseignement privé( catholique )d’avoir comme but de faire connaitre Jesus , donc d’évangéliser alors que les instituteurs sont sous contrat simple avec l état, donc payés par l’état et que les professeurs sont sous contrat d’association avec l’état, donc payés par l’état.?. Il ne s’agit pas de remettre en cause la grande qualité d’enseignement des professeurs de l’enseignement privé mais les instances catholiques ont les mains liés par le financement. J’ai été président d’une association de gestion pendant plus de 10 ans d’un établissement scolaire catholique important. Et cette situation est irréversible. Amicalement.