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Les Etats Généraux du christianisme se sont penchés sur l’évangélisation

Après deux jours et demi de débats, rencontres et prières, les premiers Etats Généraux du Christianisme se sont refermés samedi soir dans la cathédrale de Lille lors d’une célébration œcuménique.

Lors de cette dernière après midi, avant cette célébration, les congressistes ont été invités à participer à un grand forum sur le thème de l’évangélisation. Quatre intervenants ont animé ce temps fort, retransmis sur grand écran dans deux salles de l’Université catholique de Lille dont le grand amphithéâtre était trop petit pour contenir les chrétiens présents.

Sr Nathalie Becquart, directrice adjointe du service national pour l’évangélisation des jeunes a pris la parole et a donné ses premières réactions au thème proposé : « Evangéliser, est-ce provoquer ? ». Elle a tenu à remercier les jeunes auprès de qui elle est envoyée en mission, car ce sont eux qui lui «apprennent à être témoin de l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui ». Et pour bien illustrer la manière nouvelle et décomplexée que ces jeunes ont d’évangéliser, un petit film a été projeté. C’était une invitation faite par des jeunes du diocèse de Rennes à prendre part aux JMJ de Madrid, à travers la parodie d’une publicité où Rodolphe, un jeune homme, réussit à percer dans une émission de télé réalité parce qu’il a été aux JMJ. Et le slogan de s’afficher, en référence à une publicité qui passe à la télévision en France : « Rodolphe, il va aux JMJ, il a tout compris ». Pour celle qui est en mission auprès d’étudiants, il faut utiliser le langage des jeunes pour leur proposer une rencontre avec Dieu. Et ce langage, c’est celui de l’image, de la vidéo. Comme pour toute mission, rappelle la religieuse xavière, il faut apprendre la langue de ceux à qui on est envoyé. C’est une inculturation qui est primordiale, car ces derniers ont un rapport différent au monde de celui des générations précédentes. Et de citer, par exemple, la solidarité qui, aujourd’hui est une porte d’entrée favorable à la proposition de foi.

Face aux diverses propositions, la crédibilité de celui qui annonce l’Evangile est essentielle. S’il y a une crise des institutions, l’investissement paye toujours, et l’annonce explicite de son appartenance catholique n’est pas forcément une limite (comme le prouve la reconnaissance sociale dont jouit par exemple le Secours Catholique). Pour la religieuse, l’Evangile est une « douce bombe », car l’Esprit Saint agit toujours avec douceur. « Comment proposer l’Evangile en étant audacieux, en étant conscients que c’est une bombe qui va bousculer des valeurs, des manières de faire », s’interroge encore Nathalie Becquart face à des jeunes qui ont la volonté de s’engager mais ne savent pas trop comment faire.

Aujourd’hui, ma vision de l’évangélisation, « c’est un véritable partenariat, en travaillant avec les jeunes » explique celle qui avoue aussi être très attentive à ce qui se fait dans les sphères du monde social ou politique. Et à ce titre, elle n’hésite pas à parler d’interaction entre la prière, l’action et la discussion, tout comme elle a insiste sur une nécessaire diversité. « Il n’y a pas d’antagonisme entre des propositions spirituelles très fortes (comme des retraites ou des temps de prière) et le fait d’être ouverts à tous » a-t-elle déclaré à une salle où un groupe de jeunes des aumôneries des universités de Lille étaient présents.
Etienne Lhermenault, président du Conseil national des Evangéliques de France lui a succédé au micro, expliquant que dans notre société largement déchristianisée, il y a de la place pour une évangélisation large, sans concurrence. Citant largement la bible, le pasteur baptiste a indiqué le sens de l’évangélisation : « Nous vous en supplions, au nom du Christ, laissez vous réconcilier avec Dieu ». La référence aux paroles de l’apôtre Paul aux Corinthiens montre bien l’importance de la question de l’amour de Dieu et du salut qu’il est venu donner aux hommes. « Evangéliser, c’est aimer, et laisser l’Esprit Saint faire son travail » a ajouté le pasteur, rappelant quand même l’aspect dérangeant de ce message. Car s’il y a besoin de réconciliation, c’est qu’il existe une situation d’inimitié avec Dieu, et l’évangélisateur doit dénoncer cet état.

Marc de Leyritz, président d’Alpha France a indiqué quant à lui que « c’est toute l’Eglise qui devrait être provocante » dans le cadre de l’évangélisation. Car cette dernière est avant tout une rencontre avec Dieu, c’est « faire l’expérience de l’amour de Dieu qui est répandu dans notre cœur par l’Esprit Saint qui nous est donné » a-t-il dit en citant lui aussi les textes de saint Paul. Pour ce jeune homme, la foi demande aujourd’hui à être essayée, elle est placée en concurrence avec les autres spiritualités, et la démarche des parcours alpha consiste à proposer de s’immerger dans la foi, d’en faire l’expérience, pour mieux la découvrir du dedans. A ce niveau, « l’hospitalité du dialogue » joue un rôle essentiel dans le processus d’évangélisation, car la foi n’est pas qu’un contenu à apprendre, mais c’est une rencontre à vivre.
Le dernier orateur, Philippe Bancon, président des guides et scouts de France, a souligné la perspective de son mouvement, qui est d’évangéliser par l’éducation, en présentant la foi. La démarche de conversion sera effectuée par la personne évangélisée, en lien avec Dieu. « Au mieux, on peut espérer tenir la chandelle entre Dieu et la personne évangélisée » disait-il pour illustrer son propos. L’évangélisation est donc un éveil au désir de Dieu auprès d’une personne qui aura été rejointe dans ses questions existentielles par le chrétien. Et cela implique de laisser une grande liberté à celui à qui l’on propose la foi. De ce fait, l’évangélisateur prend des risques.

Avant que l’assemblée ne pose quelques questions aux intervenants, divers témoignages ont été donnés par les participants, des jeunes aux plus âgés. Finalement, à l’image de Philippe Gaspard, un élève ingénieur de 21 ans et vice président de l’aumônerie de la catho de Lille, les participants se sont sentis revigorés dans leur démarche d’évangélisation. Ce dernier avoue avoir découvert qu’évangéliser, ce n’est pas « vouloir avoir un résultat » mais c’est « accueillir l’autre », et « peut-être le provoquer dans mon choix de vie pour l’amener à se poser des questions ». Une démarche que, finalement, les Etats Généraux ont voulu mettre en œuvre au long de ces journées de rencontre.

Source : Zenit

Jean-Pierre Denis (La Vie) : « l’évangélisation est une question fondamentale pour l’Eglise et pour la société »

A Lille les 23, 24 et 25 septembre prochains auront lieu les premiers Etats Généraux du christianisme. Un projet simple, mais un peu fou : rassembler des milliers de participants et une centaine d’intervenants autour de la question « Notre époque a-t-elle besoin de Dieu ? ». Zenit publiait hier une interview que nous avons faite de Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire La Vie, à l’initiative de l’évènement.

J.-B. Maillard – Pourquoi organisez-vous ces Etats Généraux du christianisme ?

J.-P. Denis – Depuis la longue séquence de l’affaire Williamson jusqu’au débat sur la pédophilie, il nous a semblé qu’il était indispensable de montrer que le christianisme est autre chose que des polémiques stériles.

Le message du christianisme est très important pour notre société et il faut tout faire pour qu’on l’entende. De plus, j’ai rencontré ces derniers temps de nombreuses personnes et j’ai constaté que beaucoup d’entre elles ont très envie de parler du christianisme.

L’époque appelle à un véritable œcuménisme, c’est-à-dire un dialogue avec ceux qui ne sont pas forcément d’accord avec nous. Nous avons besoin d’un état des lieux du christianisme, sans nier nos identités et nos convictions. La crise du christianisme est indéniable, et en même temps il y a véritable attente spirituelle dans notre société. Il faut saisir ces deux bouts pour faire entendre un message positif. Enfin, nous en restons trop souvent à des débats de culte ou de sacristie, alors qu’on nous attend sur les questions de société abordées sans tabou.

Y a-t-il une urgence à se poser la question de la place du christianisme ?

Oui, il y a urgence. La société est aujourd’hui déchristianisée. Elle accepte le message quand il est dans son sens, mais sinon on trouve l’Eglise moralisatrice, ringarde et déplacée. Je crois que le christianisme est le caillou dans la chaussure, la seule contre-culture critique et imaginative. Le message chrétien est une nouveauté pour la société, une radicalité provocatrice. D’ailleurs, je publie ces jours-ci un livre qui s’intitule « Pourquoi le christianisme fait scandale ? ». En même temps, il y a dans la société déchristianisée un regain d’intérêt pour le spirituel.

Quelle est la différence entre christianisme et chrétienté, entre un christianisme défensif et un christianisme rayonnant ?

Le mot chrétienté renvoie à un passé où le christianisme était dominant et donnait forme à la culture. C’est parfois une nostalgie qui enferme et dont il faut sortir. Le christianisme rayonnant s’incarne dans le monde sans être du monde, il témoigne. Lorsqu’on atteste sans arrogance sa foi, cela intéresse. C’est nouveau et très prometteur dans notre société : nous sommes sortis de l’époque où nous pouvions partir en conquérants, déclarant « je détiens la vérité ». Maintenant, il faut dire ce en quoi nous croyons.

Les personnalités invitées ont des positions très diverses, on trouve quelques catholiques qui ne suivent pas toujours le magistère de l’Eglise. Pourquoi ?

Les clivages existent toujours : si nous ne sommes pas d’accord entre nous, parlons-en ! Oublions nos petites excommunications réciproques. L’époque nous appelle au dialogue. Je n’ai pas demandé aux intervenants de me dire à l’avance ce dont ils vont parler, je ne leur demande pas à l’entrée de certificats de bonne pensée ou de diplômes de théologie. C’est ainsi que Christine Pedotti, de la conférence des baptisé(e)s de France, débattra avec M. l’abbé Vincent Ribeton, de la Fraternité Saint Pierre. Aucune sensibilité ne sera exclue. Il y aura aussi des non-chrétiens et nous avons le soutien de l’Université catholique de Lille, de l’évêque Mgr Ulrich, sans qui les Etats Généraux n’auraient pas lieu.

Un débat est intitulé « Changer l’Eglise, oui, mais dans quel sens ? » : croyez-vous qu’il faille changer l’Eglise ?

Les fondamentaux ne changent pas, l’Eglise est toujours en mouvement et la tradition, vivante. Il s’agit donc de distinguer ce qui est fondamental et qui ne doit pas changer de ce qui évolue et peut être amélioré. Je n’ai pas la conclusion, l’aventure est en marche.

La dernière séance plénière pose la question de l’évangélisation. En quoi est-ce une question importante ?

Depuis les origines du christianisme, l’annonce est ce qui nous fait vivre. L’évangélisation est donc une question fondamentale pour l’Eglise et pour la société.

Mais il y a beaucoup de débats derrière ce mot. Premier débat, faut-il une évangélisation explicite ? Tout le monde est d’accord aujourd’hui pour dire qu’une annonce de la foi est nécessaire. Deuxième débat, quels sont les contenus de l’évangélisation et comment faut-il procéder ? Il y a de nombreuses méthodes : seront présents les responsables des Cours Alpha, les Scouts de France et les protestants évangéliques.

Votre journal parle de plus en plus d’évangélisation. Est-ce une volonté affichée ?

Oui, clairement ! Les chrétiens sont soucieux d’annoncer l’Evangile depuis les origines de l’Eglise, cela me semble une évidence. Mais l’évangélisation n’est pas le monopole des mouvements qui répondent à l’appel de la nouvelle évangélisation, ce souci est à la racine même de l’Action catholique, par exemple. Il y a des approches différentes : l’opposition faite entre les différentes sensibilités est dépassée Un mauvais procès est souvent fait aux chrétiens de fibre sociale quand on pense qu’ils n’ont pas ce souci. La « catho pride » n’est pas la seule évangélisation, toute mission suppose une certaine forme d’humilité.

Quelle place aura la prière lors de ces Etats Généraux ?

Les Etats Généraux ne sont pas un colloque, mais une rencontre. Se rassembler sans Dieu serait dommage, aussi la prière sera présente tout du long. Il y aura une nuit entière de prière, pour toutes les sensibilités. Les moines trappistes du Mont-des-Cats diront exceptionnellement l’office de la nuit avec nous. Un temps d’adoration sera animé par Jeunesse 2000, une louange avec la communauté de l’Emmanuel, et puis Taizé, le Chemin Neuf, Coexister, les sœurs cisterciennes bernardines de Saint André, le cœur orthodoxe de la paroisse Saint Nicolas de Lille… Nous terminerons ces journées par une célébration œcuménique avec le vice-président de la conférence des évêques de France et son homologue orthodoxe.

J’ose dire qu’au-delà des paroles, cette dimension de communion, ce moment de prière en commun sera un moment historique pour l’Eglise en France. Je crois qu’il n’y a pas d’engagement sans spirituel, et de spirituel sans engagement. La prière permet de croiser la dimension horizontale et verticale du christianisme.

(1) Pourquoi le christianisme fait scandale, éloge d’une contre culture, Editions du Seuil, septembre 2010

Source : Zenit

Pour en savoir plus et suivre l’évènement en temps réel : le blog des Etats Généraux du christianisme (sur La Vie.fr)